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idée, une fois cette idée acquise (I, 12). D’autre part la méthode ne peut pas précéder l’acquisition des idées, comme si elle en était une condition nécessaire. La méthode une fois séparée de la vérité, s’il faut, avant de parvenir à la vérité, trouver la vraie méthode qui y conduit, il faudra aussi pour trouver la vraie méthode connaître la méthode de la méthode, et ainsi à l’infini, suivant une régression sans limite où s’évanouirait non pas la connaissance du vrai seulement, mais toute espèce de connaissance en général (I, 11). La découverte de la méthode accompagne donc l’acquisition de la connaissance, elle en est contemporaine, elle n’en peut être isolée ; les idées qui, par rapport aux idéats, c’est-à-dire à leurs objets, étaient appelées essences objectives, sont, prises en elles-mêmes, et puisqu’elles ne doivent qu’à elles leur réalité et leur intelligiblité, des essences formelles (I, 12), par suite elles peuvent devenir objet par rapport à de nouvelles idées qui renfermeront toute la réalité des premières objectivement, c’est-à-dire sous forme de représentation, et ainsi de suite : c’est cette réflexion indéfinie de l’idée sur elle-même qui constitue la méthode. « La méthode ne consiste pas à raisonner pour saisir la cause des choses, encore moins à comprendre la cause des choses, elle consiste à raisonner sur le raisonnement, à comprendre l’intellection. » (I, 12.) La méthode n’est rien d’autre qu’une connaissance par réflexion, elle est l’idée de l’idée (I, 13). La certitude, c’est-à-dire la science de la science, est la conséquence immédiate de la science, elle en est inséparable et elle lui est coextensive, de sorte que la condition nécessaire et suffisante pour savoir que l’on sait, c’est de savoir ; la possession de la méthode se confond avec la possession de la vérité qu’elle suppose et qui l’entraîne. Il ne s’agit donc point pour l’esprit d’aller de la méthode à la vérité, il lui suffit de se développer par sa force native, comme dit Spinoza, et de se forger ainsi des instruments intellectuels qui accroissent sa puissance d’investigation, et lui permettent d’étendre ses connaissances ; puis de ces nouvelles œuvres il tirera de nouvelles armes, et continuera ainsi de s’avancer par degrés, jusqu’à ce qu’il ait atteint le sommet de la sagesse (I, 11). Ainsi la méthode et la vérité se fécondent l’une l’autre ; de même l’enclume est nécessaire pour forger le marteau, et le marteau nécessaire pour forger l’enclume. La loi naturelle brise le cercle où le raisonnement s’enferme lui-même ; entre la méthode et la vérité elle établit à l’intérieur même de l’esprit un courant d’influence réciproque d’où sort, grâce à une réaction continue de l’une sur l’autre, le