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à leur faire rejeter la doctrine en bloc. Mais le jugement métaphysique n’est pas sans appel, nous ignorons si l’ontologie ne renaîtra pas de ses cendres, sous une forme ou sous une autre, et si les arguments qui nous paraissent aujourd’hui les plus solides ne tomberont pas, plus tard, en délabre, par l’effet du développement de la pensée. Tandis que l’argumentation purement logique, qui met en lumière l’incohérence intrinsèque des raisonnements au moyen desquels on prétend déduire l’évolution de la permanence, sera toujours valable. Aussi longtemps que le principe d’identité demeurera la norme suprême de la raison humaine, un désaccord entre les prémisses et la conclusion sera un vice rédhibitoire. Aussi nous sommes-nous attaché spécialement à la critique de la théorie, en bornant la critique de la métaphysique évolutionniste à l’exposé du fondement ontologique sur lequel elle repose.

On pouvait prévoir a priori qu’un pareil enchaînement logique devait fatalement conduire à une contradiction.

Pour présenter, en effet, en suivant la méthode scientifique, la thèse évolutionniste, pour démontrer la nécessité de l’évolution, en partant d’un principe premier, il faut évidemment que ce principe exprime l’essence même de l’évolution, c’est-à-dire le changement. Tout se ramène alors à un jugement analytique. Un principe exprimant la nécessité du changement est donc le seul convenable. Le principe invoqué par Spencer, la persistance de la Force, exprimant au contraire la nécessité de la permanence de quelque chose, ne peut conduire qu’à la négation de l’évolution.

Le devenir et l’être sont des concepts antithétiques. Le monde de la matière et du mouvement, étant le monde de l’énergie mécanique, qui est définitive, immuable, est fixé à tout jamais. Et, d’ailleurs, la science physique se préoccupe-t-elle des commencements et des fins ? Les lois n’ont-elles pas une valeur intemporelle ? Une loi véritable, analytiquement déduite d’une hypothèse ultime sur la nature des corps, est-elle, sans contradiction, concevable comme transitoire ? Il s’ensuit que toute cosmogonie fondée sur les principes de la mécanique universelle n’a en réalité aucune prise ni sur le passé ni sur l’avenir ; son domaine est l’actuel et elle n’en sort point, quelque effort qu’elle fasse. Et c’est aussi pourquoi toute cosmogonie mécaniste et géométriquement déterministe est illusoire.