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lequel il se peut que des évolutions pareilles s’accomplissent successivement, toujours les mêmes en principe, mais jamais les mêmes par le résultat concret[1] » Pourquoi cette dernière restriction ? Si l’on se place au point de vue du mécanisme universel et du principe des lois — et c’est bien l’attitude de l’auteur des Premiers Principes, — tout phénomène est un mode de mouvement, et il n’y a pas lieu de distinguer ainsi le résultat concret de l’évolution de la forme même de l’évolution. Accepter, à titre de données, les lois physiques, qui s’expriment en formules de mécanique rationnelle, voir dans la conservation de l’énergie l’ultima ratio rerum, et conclure à la contingence et à l’indétermination (qu’entraîne la dissemblance des résultats concrets) semble une inconséquence, un illogisme.

Les prémisses sur lesquelles repose la thèse de l’évolutionnisme physique, sous leur aspect métaphysique comme sous leur aspect théorétique, sont, au fond, les mêmes que celles qui ont été posées jadis par l’école d’Élée. Mais les Éléates furent logiques jusqu’au bout et ne reculèrent pas devant des affirmations contredisant les apparences sensibles. Ils soutenaient que l’univers, l’Être absolu, est immobile et immuable, que le mouvement et le changement nous apparaissent tels en vertu d’une illusion, que le développement et le devenir n’existent pas.

On aboutit au même résultat quand on pousse jusque dans ses dernières conséquences le principe de la persistance de la Force et, finalement, on se trouve dans la nécessité logique de nier la possibilité de l’évolution. Ou rejeter le principe, ou nier l’évolution, on n’échappe pas à cette alternative. C’est pourquoi l’évolutionnisme physique, présenté comme une généralisation des résultats de la science positive, grâce à l’extension du principe de la conservation de l’énergie, n’est qu’un leurre et renferme une contradiction fondamentale, qu’on ne réussit à masquer qu’en déformant le concept d’évolution et en le remplaçant par celui du couple évolution-dissolution, lequel est la négation même de l’idée de développement et de devenir. La critique de la théorie évolutionniste nous a permis de faire ressortir cette contradiction, sans avoir besoin de recourir à la discussion métaphysique. Pour beaucoup de philosophes, aujourd’hui, sans doute, les hypothèses de l’absolu et de la substance qui constituent le bagage métaphysique de l’évolutionnisme, suffisent

  1. Premiers Principes, trad. française, p. 480.