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suppose, outre le sujet qui connaît, un objet qui est connu. Par objet, nous entendons ce sur quoi doit se régler la connaissance pour être vraie ou objective. Quel est cet objet ? Ce n’est pas résoudre le problème que de dire avec Kant qu’il existe un monde transcendant dont le sujet connaît le phénomène (Erscheinung), car c’est précisément l’existence de ce monde transcendant qui est en question. Or une théorie complète de la connaissance doit supprimer toute hypothèse préalable, et, par suite, commencer par douter de tout, ou du moins limiter autant que possible l’étendue de ses hypothèses. Le doute méthodique de Descartes nous indique la vraie voie à suivre. Mais Descartes s’est trop tôt arrêté ; il s’est contenté de douter des connaissances particulières. Une véritable théorie de la connaissance doit poser un doute universel, et, dans ce doute même, trouver la condition fondamentale que suppose toute connaissance.

II. Triple opposition du sujet et de l’objet. — L’opposition du sujet et de l’objet peut s’entendre de trois manières : 1° opposition entre un monde extérieur étendu et mon corps vivant ; 2° opposition entre ma conscience et son contenu ; 3° opposition entre ma conscience avec son contenu, y compris le corps, d’une part, et, d’autre part, tout ce qui n’est ni ma conscience ni son contenu. De ces trois points de vue, le premier est à rejeter, car l’existence d’un monde extérieur étendu n’est ni plus ni moins certaine que celle de mon propre corps. Le second n’est pas plus acceptable, car je n’ai conscience de moi-même qu’autant que j’ai conscience d’un sentiment, d’une volonté. Le monde objectif dont il s’agit ici n’est donc ni le monde étendu ni le monde constitué par mes états de conscience. Seul un monde extérieur à ma conscience et au contenu de ma conscience, un monde transcendant par opposition au monde immanent formé par mes états de conscience, peut être mis en question, et le problème peut se formuler ainsi : y a-t-il pour la conscience un objet transcendant ou simplement un objet immanent ?

III. Le réalisme. — À cette question, on peut bien répondre avec les réalistes (Riehl) que l’existence des choses nous est donnée en même temps et avec autant de certitude que les faits de conscience qui les représentent, à la condition d’entendre par là l’existence immanente des choses. Mais, à vrai dire, l’argumentation des réalistes est une pure et simple tautologie ; car l’existence immanente d’une chose n’est autre que celle de ses propriétés connues par la conscience. Par définition, un objet transcendant ne saurait être un objet de conscience. On ne perçoit pas l’existence d’un objet transcendant, on la démontre.

IV. Le concept de conscience. — Par conscience, on n’entend pas ici un sujet avec ses diverses représentations ; ces représentations, le monde, le corps, sont encore des objets. Par conscience on entend, au contraire, le pur sujet par opposition au contenu total de la conscience. Il ne s’agit donc pas ici de ma conscience, car le concept de conscience individuelle est lui-même encore une représentation, mais d’une conscience en général (Bewusstsein Ueberhaupt), d’une conscience impersonnelle qui échappe à toute dénomination, à toute détermination dont on peut simplement dire qu’elle est ce dont le contenu comprend toute chose, y compris le moi individuel. Elle n’est pas