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ment n’existe pas ? Si, d’ailleurs, l’étendue est d’elle-même mobile, comment expliquer que le mouvement, dont l’apparition ne peut résulter que d’un contraste, puisse jamais s’y dessiner ?

Peut-être, à la vérité, le lieu du devenir est-il absolument un. La grandeur, dit-on, est d’abord et en elle-même indivise ; le tout préexiste à ses parties. Dans l’esprit peut-être ; dans la réalité, comment le croire ? Un tout est composé ou n’est pas ; et s’il est défini, le nombre de ses parties ne peut être, à son tour, que défini.

Sans doute le tout d’une grandeur préexiste aux parties qu’arbitrairement on y trace ; non à celles que sa définition enveloppe, et qui, même invisibles, le constituent comme tout.

Que serait-ce que le tout d’un point ?

Là où les parties manquent, visibles ou invisibles, le tout doit manquer ; son nom même alors n’a plus de sens.

Voici une maison. J’en saisis d’abord les grandes lignes ; l’ensemble évidemment précède le détail dans ma perception ; c’est qu’elle est vue du dehors, comme la grandeur. Vais-je dire maintenant que ce qui n’est encore rien pour moi, n’est rien non plus en réalité, et que chambres, escaliers, corridors n’existent pas ! Il est évident, au contraire, que là, comme dans la quantité, le tout n’existe que par les parties, et que même ce sont les dimensions des parties qui décident de celles du tout.

On demandera peut-être si ce qui est vrai et incontestable dans le réel, l’est également dans l’abstrait. Sans doute, si l’abstrait, qui admet des degrés divers, confine encore au réel, et a retenu quelques-unes de ses essentielles exigences. Qu’on imagine un point mobile et une ligne physique pleine. Le mobile se pose sur chacun de ses éléments et la parcourt tout entière. Le tout de la ligne idéale est visible ; ses parties échappent. Croyez-vous maintenant que, faute d’être réelles, ces parties n’existent pas ? Ce serait, à notre avis, une erreur. Elles existent à leur façon et comme possibilités, elles ont un nombre, et précisément celui des atomes qui composent la ligne physique. Vous l’ignorez ; assurément, et nulle pensée humaine ne le connaîtra jamais, mais qu’importe ? Elles constituent un tout défini sur lequel la pensée n’a pas plus de droits que sur la réalité elle-même ; elles offrent au mouvement une série d’étapes qu’avec telle vitesse un mobile devra franchir en tel temps et non en un autre. Il y a là quelque chose d’objectif et de rigide qui préexiste au tout que vous voyez, comme tout à l’heure la distribution intérieure des pièces au dessin général de la maison.

Vous pouvez, je le reconnais, parcourir tous les degrés de l’abstraction, et concevoir une ligne purement intelligible ; il faudra expliquer alors comment elle se prête au mouvement.

On le voit, le lieu manque où puisse se produire et évoluer le devenir.

Un lieu où les parties, au lieu de se toucher, seraient à la fois extérieures et intérieures les unes aux autres, partant mêlées et confondues, expliquerait peut-être comment le mobile, pour un partisan du devenir, est à la fois et n’est pas ici ou là ; il le ferait voir en l’air entre deux termes, ou mieux à cheval sur l’un et l’autre. Mais un tel lieu ne s’explique pas lui-même, et, dans cette hypothèse, la difficulté n’est que déplacée ; elle