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pièces par l’esprit, mais que c’est l’expérience qui lui en a fourni l’occasion.

Nous ne pouvons croire que deux quantités égales à une même troisième ne soient pas égales entre elles, et c’est ainsi que nous sommes amenés à supposer que A est différent de B et B de C, mais que l’imperfection de nos sens ne nous permet pas de les discerner.


CRÉATION DU CONTINU MATHÉMATIQUE.
Premier stade.

Jusqu’ici il pourrait nous suffire, pour rendre compte des faits, d’intercaler entre A et B un petit nombre de termes qui resteraient discrets. Qu’arrive-t-il maintenant si nous avons recours à quelque instrument pour suppléer à l’infirmité de nos sens, si par exemple nous faisons usage d’un microscope ? Des termes que nous ne pouvions discerner l’un de l’autre, comme étaient tout à l’heure A et B, nous apparaissent maintenant comme distincts ; mais entre A et B devenus distincts s’intercalera un terme nouveau D que nous ne pourrons distinguer ni de A, ni de B. Malgré l’emploi des méthodes les plus perfectionnées, les résultats bruts de notre expérience présenteront toujours les caractères du continu physique avec la contradiction qui y est inhérente.

Nous n’y échapperons qu’en intercalant sans cesse des termes nouveaux entre les termes déjà discernés, et cette opération devra être poursuivie indéfiniment. Nous ne pourrions concevoir qu’on dût l’arrêter que si nous nous représentions quelque instrument assez puissant pour décomposer le continu physique en éléments discrets, comme le télescope résout la voie lactée en étoiles. Mais nous ne pouvons nous imaginer cela ; en effet, c’est toujours avec nos sens que nous nous servons de nos instruments ; c’est avec l’œil que nous observons l’image agrandie par le microscope, et cette image doit par conséquent toujours conserver les caractères du continu physique.

Rien ne distingue une longueur observée directement de la moitié de cette longueur doublée par le microscope. Le tout est homogène à la partie ; c’est là une nouvelle contradiction, ou plutôt c’en serait une si le nombre de termes était supposé fini ; il est clair en effet que la partie, contenant moins de termes que le tout, ne saurait être semblable au tout.