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dans le rapport incommensurable , c’est dire que deux segments perceptibles, physiquement déduits des valeurs infinitésimales A , nous paraissent, quelle que soit l’unité de longueur, respectivement superposables au côté et à la diagonale d’un carré. Dire que le périmètre d’un polygone inscrit variable dont le plus grand côté diminue indéfiniment a pour limite la longueur de la circonférence, c’est substituer à la définition analytique de telle fonction et aux propriétés analytiques de telles variantes certaines images physiques qu’elles évoquent naturellement dans l’esprit. Partout ailleurs que dans l’Analyse, les considérations infinitésimales sont vides de sens ; le raisonnement subtil à l’aide duquel on s’efforce parfois d’établir, contre toute évidence, que le plus rapide coureur ne saurait atteindre une tortue, n’est donc qu’un vain sophisme, puisque des considérations de ce genre y sont faussement appliquées au temps et à l’espace. Nous demandons qu’on en finisse avec les points inétendus, les pures lignes, les pures surfaces, les durées physiques indéfiniment décroissantes, et autres chimères du même genre ; l’état d’esprit que leur contemplation suppose était sans doute fort excusable chez les Grecs d’il y a deux mille ans : y persister aujourd’hui serait du pur fétichisme.

16. En résumé, donc :

1° La notion de nombre entier étant supposée acquise, on peut définir tour à tour le nombre fractionnaire, le nombre qualifié, le nombre infinitésimal et le nombre imaginaire, sans avoir à faire intervenir jamais la moindre considération relative aux grandeurs concrètes ; l’édifice analytique se trouve ainsi exclusivement basé sur la notion fondamentale de nombre entier.

2° L’élément mathématique de toute science appliquée est exclusivement analytique, mais donne lieu à une évocation continuelle de certaines images ou apparences physiques.

Quant aux réalités qui peuvent se cacher sous ces apparences, il n’en saurait être question ici : en dépit du préjugé contraire, la Science, impuissante à les atteindre, n’a rien à démêler avec l’Absolu.

C. Riquier,                         
Professeur à la Facullé des Sciences de Caen.