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cette limite, du moins celle de nos connaissances actuelles. Nous ne pouvons prétendre tout expliquer ; il nous suffit de réduire au minimum l’inexplicable.

C’est encore un fait certain, bien qu’incompréhensible pour nous, qu’il existe de l’activité inconsciente, non pas seulement dans l’ordre mécanique, mais bien aussi dans l’ordre psychique et surtout aux premiers échelons de la vie animale. Ce qu’on nomme un acte instinctif constitue un ensemble de directions combinées, que prend inconsciemment l’activité d’un individu vivant. Il en résulte qu’on peut sans absurdité supposer l’inconscience dans le principe de la vie au début de sa communication avec le milieu terrestre. Une initiative inconsciente semble tout d’abord contradictoire, et cependant la nature en offre mille exemples ; lorsque nous marchons en pensant à autre chose que nos pas, l’habitude supplée en nous la réflexion ; chaque pas nouveau suppose de notre part une initiative inconsciente. Peut-être l’hypothèse d’un potentiel de vie expliquerait-elle les œuvres surprenantes de l’instinct chez les animaux. Le mouvement irréfléchi, et d’autant plus sûr, qui opère la quête des aliments, la construction du gîte, les migrations, est peut-être, au fond, de même nature et de même origine que le mouvement évolutif et fonctionnel des organes. Le premier ne fait qu’étendre et compléter le second pour la conservation de l’individu et, par lui, de l’espèce. L’orientation infaillible que prend le vol d’une hirondelle émigrant, et l’orientation infaillible que prend, pour concourir à la structure organique de celle-ci, l’atome du grain qu’elle assimile pourraient bien ne pas différer essentiellement dans leur principe. Le premier de ces mouvements ne requiert pas de toute nécessité une cause propre et distincte ; on peut admettre sans trop de témérité qu’il procède, comme le second et au même titre, du potentiel de vie inconsciemment mis en acte.

Ajoutons enfin que l’hypothèse d’un principe actif propre et d’un potentiel appliquée à la vie se concilie parfaitement avec le rôle attribué par les naturalistes à la lutte pour l’existence en morphologie, soit qu’ils accordent la prépondérance à ce facteur, soit qu’ils en limitent l’importance et refusent de l’étendre à la formation des espèces. Leur désaccord sur ce point intéresse, non pas la réalité du potentiel de vie, mais seulement son contenu, que nous ne prétendons pas déterminer. Nous allons signaler sommairement les relations de notre hypothèse avec la morphologie.