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multiplication des individus, par la persistance, dans chaque espèce, d’un même acte du potentiel de vie. Supposer que, après le refroidissement superficiel de la terre, les germes se soient spontanément formés par des arrangements fortuits d’atomes, c’est, non pas résoudre, mais escamoter le problème de l’apparition des formes organisées.

Bien que notre hypothèse soit moins invraisemblable et moins compliquée que celle de la génération accidentelle des premiers germes, elle laisse assurément subsister bien des problèmes sans solution. On pourra, dès lors, se demander quel est l’avantage d’une hypothèse qui laisse inexpliqués plus de faits problématiques qu’elle ne résout de difficultés. L’objection ne serait pas fondée. Les problèmes qui restent à résoudre dans l’hypothèse du potentiel de vie restent également à résoudre dans toute autre, car ils sont posés par les faits mêmes et non comme conséquences de cette hypothèse. Par exemple : nous ne comprenons pas et peut-être ignorerons-nous toujours comment s’opère la conjugaison des qualités paternelles et des qualités maternelles dans l’essence individuelle de l’enfant, en quoi consiste le fond substantiel de celle-ci. Ce fond est-il composé, tout comme l’essence, de deux apports distincts, celui du père et celui de la mère ? Question qui intéresse l’indivisibilité attribuée au principe spirituel, à l’âme, par la psychologie classique.

Il en est de même pour la génération de plusieurs individus par chacun de chaque espèce ; jusqu’à présent les physiologistes n’en ont pu donner une explication satisfaisante. Si l’on a pu démontrer qu’il existe des cellules spécialement héritières et dépositaires du type de l’espèce, on n’a pas pour cela expliqué le mode de division par lequel une même essence individuelle fournit une pluralité d’autres essences individuelles semblables à elle-même. L’hypothèse du potentiel de vie semble toutefois se prêter à l’aplanissement de cette difficulté, car elle permet de concevoir l’individu, non plus comme réduit, en quelque sorte, à ses propres ressources pour produire et multiplier des exemplaires de sa propre essence, mais comme rattaché au principe universel de la vie qui lui fournit indéfiniment, dans le présent et dans l’avenir, durant et après sa propre existence, ces exemplaires sans cesse modifiés par des croisements nouveaux. Mais, à vrai dire, ces vues sont bien vagues et bien conjecturales. Il y a, sans doute, des mystères qui marquent la limite de nos connaissances possibles ; l’hypothèse fondée donne seulement la chance de reculer, sinon