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Enfin, admît-on même que toute celle-ci pût s’expliquer par une composition des forces physico-chimiques, resterait à expliquer par ces forces le phénomène de la conscience, qui diffère essentiellement de l’action mécanique et caractérise au plus haut point la vie.

L’éminent et regretté géologue Edmond Fuchs, professeur à l’école des Mines, nous disait un jour que le problème de l’apparition de la vie sur la terre ne lui paraissait pas soluble par la méthode scientifique. Aussi faisait-il intervenir la création divine à ce moment de l’évolution de notre planète. Ses amis savent qu’il était foncièrement religieux, ce qui le prédisposait à admettre une solution transcendante au problème des origines, problème étranger d’ailleurs aux préoccupations de la science expérimentale où il excellait. Nous n’avons pu nous ranger à son opinion. Il est très vrai qu’aucun germe ne conserve sa vitalité à la température du centre de la terre ; en effet, la structure du germe est alors abolie. Mais comme nous ne savons rien du principe de la vie, nous ne pouvons affirmer que ce principe n’existait pas avant d’être impliqué dans aucun organisme et n’était pas, alors, soustrait à l’action de la chaleur. N’a-t-il pu exister dès l’origine de notre globe concurremment avec les atomes régis par les forces physiques et chimiques et ne s’être engagé dans la matière pesante, représentée par ces atomes, que quand celle-ci, suffisamment refroidie, a été en état de prendre une structure, une forme organique, c’est-à-dire de lui prêter une forme apte à lui servir d’organes de relations avec les divers éléments terrestres ?

Cette hypothèse soulève une objection radicale qu’il importe avant tout de détruire. Elle suppose, dira-t-on, une force, un principe d’action séparable de la matière, capable d’exister sans relation avec celle-ci. Or cette indépendance est contraire aux notions fondamentales de la mécanique ; ni la physique ni la chimie n’en fournissent d’exemples ; la physiologie n’a jamais constaté l’existence d’une activité vitale quelconque hors de tout organisme corporel ; la psychologie même, tant qu’elle se borne à l’observation positive des événements moraux par la conscience, n’a jamais surpris un fait d’ordre spirituel qui pût être dit indépendant de toutes conditions cérébrales. Ce qui sent, pense et veut dans l’homme ne s’est jamais révélé, sous le contrôle de la méthode scientifique, sans connexion avec le système nerveux. Ilien n’autorise donc le philosophe à considérer le principe de la vie, quel qu’il puisse être, comme séparable,