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II
Note de Biran sur l’âme substance d’après ses discussions avec Ampère

La difficulté grave entre M. Ampère et moi consiste à savoir ce qui appartient ou n’appartient pas à l’âme substance. Je demande où est le critérium pour faire ce partage. S’il s’agit de faire la part du moi dans la conscience, rien de plus clair. Mais s’il s’agit de déterminer hypothétiquement cette part d’après ce qui est ou n’est pas dans l’unité de cognition, il me semble qu’on fait toujours un paralogisme, car la difficulté première est de savoir comment un objet quelconque étranger au moi peut être compris en moi dans la même unité de cognition, quoiqu’il soit conçu hors de l’âme comme noumène ou perçu hors du moi comme phénomène.

M. Ampère fait un bien grand détour pour trouver l’origine de la notion de substance hors du fait de conscience. Je pense que cette origine ne peut être plus éloignée que le premier acte de réflexion.

L’aperception immédiate interne a pour sujet et pour objet immédiat le moi sans rien de substantiel ni d’absolu.

Mais lorsque ce moi réfléchit sur lui-même, lorsque le sujet ne peut point s’identifier avec l’objet dans le même acte de réflexion, le moi, objet de cet acte, ne peut être autre que l’être absolu ou l’âme, force substantielle ; le noumène est conçu ou créé ici hors de la conscience comme dans toute perception.

Malebranche a très bien vu que la connaissance que nous avons de nous-mêmes comme sujets pensants diffère toto genene et natura de celles que nous avons des choses ou des êtres substantiels. Nous ne pouvons voir ceux-ci qu’en Dieu, tandis que nous n’apercevons le moi que dans la conscience qui ne peut le manifester objectivement ou comme être.

Le tort qu’a Malebranche, c’est de dire que la manière dont le moi se connaît est plus obscure ou plus imparfaite que celle dont il connaît les autres choses.

Cette connaissance subjective est telle qu’elle doit être par sa nature et a toute la clarté et la perfection qui tient à son espèce et on ne saurait comparer cette clarté à celle qui vient du dehors.