Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(φυσικῶς ὲπισκοπεῖν) : c’est ce que les Grecs ont essayé de faire. Platon le déclare dans l’Epinomis. « Or traduire de la sorte une pensée de Platon, ou de l’auteur platonicien de l’Epinomis, en langage aristotélicien, c’est la traduire à contre-sens. C’est à Platon qu’Aristote reproche de se placer au point de vue mathématique, logique ou abstrait (λογικὸν κένον) ; tandis qu’il a la prétention d’apporter une science concrète, fondée sur l’observation de la réalité physique. Que les hypothèses d’Eudoxe et de Callippe aient mieux rendu compte des mouvements des corps célestes que les hypothèses antérieures d’Anaximandre, de l’école de Pythagore ou de Platon, cela est possible : mais l’objection de Théon en a-t-elle plus de valeur lorsque, préférant à la théorie platonicienne des courbes circulaires ou hélicoïdales la théorie plus récente des sphères, il demande « comment il se pourrait que des corps tels que les planètes soient suspendus à des cercles incorporels » ? L’astronomie d’Aristote peut bien être une astronomie physique, une simple géographie du ciel, une cosmographie purement descriptive ; l’astronomie platonicienne est tout autre chose. Elle est conçue à un point de vue mathématique, elle cherche, dans les mouvements réels des astres, les lois abstraites du mouvement ; elle correspond peut-être avec le plus d’exactitude à ce que nous appelons mécanique rationnelle. — Pour nous représenter une figure, il nous faut la tracer dans l’espace, par un mouvement de la main, réel ou imaginé : de là l’introduction d’une nouvelle idée, l’idée du mouvement (κὶνησις). Mais l’idée du mouvement est inséparable de l’idée du repos, un mouvement ne pouvant être pensé que par comparaison avec un autre mouvement plus rapide ou plus lent : vitesse et lenteur est un autre nom pour cette nouvelle catégorie[1]. Or le mouvement, et le mouvement comme faisant partie d’un système de mouvements en relation réciproque, devient nécessaire pour la représentation de certaines figures plus complexes, telles que l’hélice ou la spirale ; et précisément toute l’astronomie platonicienne est fondée sur l’idée de courbe hélicoïdale. On conçoit donc comment une astronomie rationnelle peut venir s’ajouter à une géométrie et à une arithmétique dans la théorie platonicienne des sciences, de même que dans la dialectique des idées, le mouvement et le repos succèdent au grand et au petit, comme le grand et le petit à l’un et au multiple, l’un et le multiple, au même et à l’autre.

En l’absence des ouvrages acroamatiques ou de pure dialectique, dans lesquels était consigné l’enseignement oral et méthodique du maître, nous ne pouvons saisir que par hypothèse, et fragment à fragment, la théorie des idées. D’ailleurs il semble bien que Platon lui-même ne l’ait pas considérée comme un système achevé une fois pour toutes : la géométrie dans l’espace, dont l’objet est l’idée de profondeur, en est encore, il en convient, à faire ses premiers pas ; la physique mathématique, dont il trace l’ébauche dans le Timée, n’est, de son propre aveu, qu’un tissu d’hypothèses. Il reste que le « manuel » technique de Tiiéon de Smyrne nous fournit sur la philosophie mathématique de Platon des renseignements

  1. Soph., 250. — Rép., 529 cd.