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nouveau moment dialectique, que la musique, au sens populaire du mot, symbolise et rend sensible.

Géométrie. — Cette partie manque, à moins que l’on ne considère comme suffisant le court et unique chapitre des Figures (p. 183-187). L’ouvrage de Théon n’est pas cependant sans nous fournir, sur la place de la géométrie dans la dialectique platonicienne, des documents précieux. Parlant des méthodes à employer pour les insertions de moyenne proportionnelle, Théon déclare la méthode géométrique préférable à la méthode arithmétique, parce qu’elle est plus générale, λαμβάνεται δὲ κοινότερον ἔν τε ὰριθμοῖς και ῥητοῖς καὶ ὲν λόγοις καὶ μεγέθεσι καὶ ὰσυμμέτροις γεωμετρικῶς (p. 192). Car le nombre est discontinu : par suite, il arrive que telle opération, comme la division, ne réussit pas toujours en arithmétique. Le résultat de l’opération est un « nombre incommensurable », ce qui serait une contradiction dans les termes, si nous nous en tenions toujours au moment dialectique que représente l’arithmétique, mais ce qui cesse d’être une contradiction, dès qu’à cette nouvelle combinaison du même avec l’autre, du fini avec l’infini, nous trouvons une expression à la fois non arithmétique et intelligible, dans l’idée de grandeur continue. C’est sur la relation du grand et du petit, prise en soi, que spécule la géométrie — nom ridicule qui risque de nous faire confondre la géométrie avec l’art de l’arpenteur qui mesure le sol, avec la métrétique vulgaire. Grâce à la géométrie plane, nous pouvons représenter les expressions inintelligibles pour la pure arithmétique, telles que , ou  ; grâce à cette géométrie dans l’espace, à peine créée, et à laquelle, suivant Théon, Platon aurait déjà donné le nom de stéréométrie, nous pouvons représenter la racine cubique d’un nombre qui n’est pas un cube parfait. La géométrie, en somme, généralise l’arithmétique ; et, de fait, toute l’arithmétique platonicienne parle un langage géométrique. Des expressions telles que : racine carrée, racine cubique sont un héritage de la science grecque. « Ce que Platon estime dans la géométrie, c’est l’algèbre[1]. »

Astronomie. — La dialectique ne s’arrête pas à la catégorie de la grandeur. L’astronomie vient compléter la géométrie, comme la géométrie a complété l’arithmétique. — Mais sur ce point ce que Théon de Smyrne nous apporte, c’est moins une interprétation qu’une réfutation de Platon. L’astronomie qu’il nous enseigne, c’est l’astronomie d’Aristote, c’est l’astronomie d’Hipparque, ce n’est pas l’astronomie platonicienne. Rien de plus contraire à l’esprit même de la science platonicienne qu’un passage comme celui-ci (p. 286) : « Les mathématiciens, ne considérant que les phénomènes et les mouvements des planètes,… découvraient des principes et des hypothèses, par lesquels ils arrivaient à confirmer les faits observés et à prédire les phénomènes à venir, les Chaldéens à l’aide de méthodes arithmétiques, les Égyptiens à l’aide de méthodes graphiques, tous sans une connaissance suffisante de la nature (ἂνευ φυσιολογίας). Or il faut se placer aussi, dans l’observation des choses, au point de vue physique

  1. Tannery, l’Éducation platonicienne. Revue philosophique, novembre 1880, p. 528.