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philosophie platonicienne,… sur ce qui, en définitive, intéresse véritablement le lecteur ordinaire, peut être exposée, appréciée, mise à la portée de tout esprit sérieux, convenablement instruit, au courant des matières et de la langue philosophiques. » (P. 8.) Nous sommes donc en présence de deux manuels composés à des points de vue très différents, par deux « professeurs de philosophie » que séparent l’un de l’autre dix-sept siècles écoulés. — Nous voudrions examiner, par l’étude successive des deux manuels, de quel profit ils peuvent nous être, l’un et l’autre, dans l’étude de la doctrine de Platon.

I

M. J. Dupuis a entouré sa traduction d’une préface dans laquelle il nous donne les rares conjectures que l’on peut faire sur l’époque où vécut Théon de Smyrne (antérieur à Ptolémée, postérieur à Thrasylle, il dut probablement vivre au iie siècle), — d’une table alphabétique des noms propres et des noms techniques contenus dans l’ouvrage, — de notes, — d’un index des mots grecs et d’un index des mots français qui se trouvent dans le texte de Théon et ne se trouvent pas dans les dictionnaires ; — et d’un épilogue où M. J. Dupuis donne son opinion « définitive » sur le nombre géométrique de Platon. — La traduction est généralement bonne, nous aurons occasion cependant d’y introduire une ou deux corrections. — Observons d’abord — avant de nous engager dans l’examen des différentes parties qui nous restent de l’œuvre de Théon : arithmétique, musique, astronomie — que Théon n’est pas précisément, comme le titre pourrait le faire croire, un « platonicien ». Non seulement il vit plus de quatre cents ans après Platon, et nous devons nous garder de prendre pour platoniciennes toutes les théories pythagoriciennes exposées dans son livre, mais encore nous trouvons, dans le manuel de mathématiques, bien des opinions péripatéticiennes, diamétralement opposées à l’esprit du platonisme. — L’Exposition des connaissances mathématiques utiles pour la lecture de Platon est une compilation précieuse, parce qu’elle nous renseigne sur l’esprit et les méthodes de la science grecque, mais parfois trompeuse, parce qu’elle a été écrite à une époque d’affaiblissement de la pensée spéculative et de syncrétisme scientifique.

Arithmétique. — C’est la première partie et, au point de vue scientifique, la plus parfaite, de l’ouvrage de Théon. Mais elle s’ouvre par une théorie de l’unité, où déjà nous rencontrons cette dangereuse confusion d’éléments pythagoriciens et aristotéliciens. « L’unité (μονάς) est le principe de toutes choses, et ce qu’il y a de plus dominant, c’est d’elle que tout émane et elle n’émane de rien. Elle est indivisible et elle est toute en puissance. Elle est immuable et ne sort jamais de sa propre nature (τηῆς αύτῆς φύσεως) par la multiplication (1 x 1 = 1). C’est en elle que demeure tout ce qui est intelligible et ne peut être engendré : la nature des idées, Dieu lui-même, l’âme, le beau et le bon, et toute essence intelligible, telle que la beauté elle-même, la justice elle-même, l’égalité elle-même : car nous concevons