Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/273

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ces derniers est identique à la sienne : où ils divergent, c’est en ce que ses soi-disant adversaires admettent un domaine de la non-connaissance, domaine dans lequel ils affirment quelque chose et que M. Renouvier refuse de considérer. Il n’y a pas lutte sous ce rapport entre lui et eux : ils ne peuvent se combattre puisque, au moment où ils pourraient peut-être se combattre, ils sont sur des terrains différents, M. Renouvier refusant d’aller joindre sur le leur ceux qu’on appelle dès lors improprement ses adversaires.

La thèse du philosophe phénoméniste est ici simplement négative (nous l’examinerons ultérieurement sous le caractère positif qu’il lui a donné en faisant intervenir les Lois) : il repousse leur postulat, à savoir qu’il puisse y avoir lieu de considérer un autre domaine que celui de la connaissance proprement dite. Pour nous, qui admettons qu’il faut considérer cet autre domaine, nous admettons aussi la substance : et en cela, nous ne sommes, pas plus que les substantialistes, en désaccord avec lui sur le caractère inconnaissable de la substance : mais nous admettons aussi, conjointement, une autre thèse, indépendante de la sienne, celle de l’existence de la substance, qui n’est pas à nos yeux un simple postulat : du moins croyons-nous en avoir montré l’inéluctabilité.

Mais la thèse substantialiste contient une autre affirmation encore : la seconde partie de la définition de la substance est, d’après ce qui a été dit p. 74 : « Ce qui est sous les phénomènes, ce qui est le support de tout ce qui paraît ». Quelle position devons-nous prendre ici ? Nos considérations précédentes, si elles sont justes, ne nous laissent pas le choix entre plusieurs réponses. Pour nous, le seul phénomène, c’est l’illusion même que nous avons signalée, résultant de la Réflexion, et seulement l’illusion en tant que telle, c’est-à-dire en tant qu’elle se prend pour la réalité, car en tant qu’état de conscience pur et simple, elle est en soi, n’est plus l’illusion, mais la réalité même. Il n’y a pour nous, à part cette illusion, que des choses en soi. Celle-ci est la vraie apparence, le φαινόμενον, au sens où ce terme s’oppose au mot : réalité. Le phénomène, l’illusion gît donc dans chaque état de conscience, dans chaque chose en soi, en tant qu’elle comporte réflexion, qu’elle se crée un objet comme extérieur à elle-même, tout en croyant l’apercevoir comme il est. D’après cela, la substance sera, si l’on veut, le support des phénomènes, ou plutôt ce qui les contient, les phénomènes étant les états (absolus) de conscience mêmes, à l’état de dégradations, de chutes en perfection. Et