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relativité des états de conscience repose, au fond, sur la position d’un absolu du même genre que ceux qu’il reproche aux substantialistes. « Il n’y a pas, dit-il, de représentation sans relation. » Mais il est facile de voir par la réflexion que cette relation qu’on y découvre est le résultat d’une abstraction opérée artificiellement. Sans qu’on s’en doute, on analyse la représentation et on veut alors y reconnaître deux choses : un état de conscience et un rapport de cet état de conscience à un objet ou à un autre état de conscience. Mais de quel droit scinde-t-on ainsi la réalité en deux tronçons ? Que serait-ce qu’un état de conscience pur et simple, c’est-à-dire vide de toute détermination ? Ce serait précisément ce que les phénoménistes imaginent être une chose en soi (selon nous, par une idée erronée de ce qu’elle doit être). Or M. Renouvier lui-même dit et répète qu’une telle chose n’est rien, rien du moins pour la connaissance, et son langage est catégorique : « Si, dit-il, nous posons la chose en soi, la substance à part de toutes relations, la chose en soi, la substance n’ont rien de commun avec la représentation et alors ne sont pas ou sont pour nous comme n’étant pas ». Tel a été son langage, et cependant, pour dire que tel état de conscience est un état de relation, il faut bien qu’il commence, pour distinguer la relation même, par poser cet absolu et cet inconnaissable qui est l’état de conscience, pur et simple, sans détermination. De sorte qu’il n’affirme le caractère nécessairement relatif, selon lui, de toute représentation, qu’en commençant par poser tacitement, implicitement, un absolu primitif, qui est alors rendu relatif par lui-même.

Ce travail paralogique que l’auteur fait lui-même est si étrange chez un penseur aussi vigoureux que M. Renouvier, que nous douterions ici du fondement de notre critique et que nous nous serions abstenus de la formuler, si nous n’en trouvions la confirmation chez M. Renouvier lui-même, qui, immédiatement après le passage cité, ajoute : « Il n’y a pas de relation sans représentation ». Qu’est-ce à dire sinon que toute relation établie est due à un esprit, à une pensée et ne se conçoit pas sans elle ? Qu’est-ce à dire sinon que la relation distinguée dans un être est le résultat d’une analyse mentale ? Or précisément nous discutons ici sur ce qui est réel, c’est-à-dire sur ce qu’est la réalité complète, intacte, sans addition, ni soustraction, ni déformation d’aucune sorte, autant que faire se peut. Et l’on est en droit de dire au fondateur du phénoménisme : des relations que vous découvrez en les créant dans une chose, vous ne