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telles que les preuves et les arguments dans le domaine de la pensée, le sentiment ou la conscience de l’obligation morale dans le domaine de la volonté, produisent des effets dans le monde physique, c’est la démonstration la plus saisissante de l’existence de Dieu, c’est-à-dire de l’existence d’une nature normale des choses, en tant que les choses dépendent en un sens du sujet pensant, nature qui est une, contrairement à la multiplicité que l’expérience fait connaître, et sans la moindre ressemblance d’aucune sorte avec les objets de cette expérience.

Ai-je assez fait comprendre, dans ce court résumé, l’intérêt, l’importance de cette doctrine ? Je sais trop combien, sur certains points surtout, j’ai abrégé et par suite affaibli les démonstrations de Spir. Peut-être me sera-t-il donné un jour d’en reprendre ici même quelques-unes, et de montrer aussi quelles conséquences pratiques découlent de ses spéculations. Je voudrais cependant en avoir assez dit déjà, pour faire souhaiter des éclaircissements, des développements nouveaux. Cette théorie dualiste peut, à première vue, soulever bien des objections. Un examen plus approfondi les ferait, je crois, s’évanouir. Elle met franchement Dieu hors de la nature, hors de notre univers empirique ; elle ne voit plus en lui que notre Père spirituel, supprimant ainsi une foule de problèmes scolastiques, et donnant, il me semble, à la conscience humaine, par le seul fait de montrer dans le mal sous toutes ses formes une inexplicable anomalie, un vif sentiment d’allégement et de délivrance. Ce monde du mouvement et de la forme, des caresses et des baisers, des regrets aussi et des souffrances, est toujours pour nous une énigme, mais nous avons la certitude qu’il y a une réalité au delà, et qu’en pratiquant, les yeux tournés vers cette lumière, la pure morale de l’Évangile, débarrassée de ce qu’elle avait encore retenu des primitives et enfantines imaginations, comme en nous appliquant à découvrir en tout la vérité, nous nous rapprochons de ce qui est notre vraie nature et méritons l’immortalité. De cette immortalité, il est vrai, pas plus que de Dieu, de l’absolu, nous ne pouvons rien dire ; mais je ne sache personne qui ait le droit de nous en faire un crime, et c’est assez qu’elle soit certaine.

A. Penjon.