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naison du divers sans condition, absolue, cette combinaison serait logiquement contradictoire, l’expérience serait en contradiction avec la loi de notre pensée et nous serions dans l’alternative ou de nier la valeur de cette loi, ou de récuser le témoignage de l’expérience. Mais si l’expérience, en fait, nous présente partout l’union du divers, cette union n’est jamais ni inconditionnée, ni immédiate. En d’autres termes la composition et le changement dans les êtres que nous croyons connaître en nous et hors de nous, ont toujours une cause, une raison suffisante. Si l’expérience ne s’accorde donc pas avec la loi de notre pensée, c’est-à-dire si elle ne saisit nulle part un être un et identique avec lui-même, elle ne lui est pas non plus contradictoire. Et par cela même est prouvé le caractère a priori de cette loi ; elle est bien la loi première et fondamentale, le principe par excellence, non pas à cause de sa nécessité seulement — ce serait un signe incertain : combien n’y a-t-il pas, en effet, de vérités prétendues nécessaires qui résultent d’associations d’idées et dont la fausseté est ensuite reconnue ! — mais précisément parce qu’elle ne s’accorde pas avec l’expérience et par conséquent ne peut en être dérivée d’aucune manière.

Par elle, au contraire, par cette loi, l’expérience même est rendue possible ; car c’est d’elle que se déduit le principe de causalité. S’il y a, en effet, des changements, et si aucun changement ne peut être inconditionné, si l’idée d’absolu, en d’autres termes, et celle de changement s’excluent, il ne peut pas y avoir de changement sans cause et il faut admettre, sous peine de contradiction, qu’il y a un enchaînement rigoureux des causes et des effets. Bien plus, en vertu du principe de causalité, les mêmes causes doivent toujours, dans les mêmes circonstances, produire les mêmes effets, ou la modification de l’effet serait sans cause : la valeur de l’induction est ainsi garantie[1]. C’est donc aussi cette loi de la pensée qui nous fait concevoir comme contradictoire l’idée d’une cause première, et comme inexplicable, du même coup, l’existence de ce monde de phénomènes rigoureusement liés.

Mais surtout elle nous interdit de considérer l’absolu, l’être un, simple et identique à lui-même, comme la cause de cette diversité infinie, de cette multitude toujours inachevée de phénomènes qui se

  1. Du moins la valeur de l’induction relativement à la succession des phénomènes. La valeur de l’induction relativement à la simultanéité des phénomènes a pour fondement le concept de substance.