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vement (156, A, τό πᾶν κίνησις ἧν καὶ ᾶλλο παρὰ τοῧτο οδδὲν, τῇς δὲ κιήσεως δύο εύδη) s’oppose absolument cette autre affirmation que rien ne se meut (180, E, ἔν τε πάντα ἐστὶ καὶ ἔστηκεν αὺτὸ ἐν αδτῳ), et il s’agit évidemment du mouvement ou plutôt du changement sous toutes ses formes, aussi bien de la forme qualitative que de la forme quantitative. Et la raison de cette négation est indiquée par Platon, et confirmée par Aristote (Phys., IV, 6, 213), c’est qu’il n’y a pas de vide, c’est-à-dire de non-être. Comme plus tard les Épicuriens, les Éléates considèrent le mouvement comme inexplicable sans le vide. Or il n’y a pas de vide, qui serait un non-être : c’est leur thèse métaphysique. C’est pourquoi il n’y a pas de mouvement, d’aucune sorte. Par où l’on voit qu’ils sont des métaphysiciens, ou, si l’on veut, des dialecticiens beaucoup plus que des physiciens ou des mathématiciens.

Reste la question de la pluralité. Selon M. Milhaud, ce que j’entends par la pluralité, combattue par Zénon, « c’est la décomposition possible et illimitée du continu en parties ». Et il oppose cette pluralité à la pluralité réalisée, en acte. Mais je n’ai jamais songé à cette pluralité abstraite du continu. Je sais trop que pour les Éléates, précisément parce qu’ils sont des métaphysiciens, comme aussi pour tous les philosophes de cette époque, quand on parle de l’être, on veut entendre la réalité en soi et en acte, dans ce qu’elle a de plus concret. Si l’Être en acte est composé de parties (ce qu’ils nient), il faut que ces parties existent en acte, quelle qu’en soit d’ailleurs la nature. Aucune difficulté n’est possible sur ce point.

« Il nous apparaît, continue M. Milhaud, comme beaucoup plus clair et beaucoup plus probable après la lecture du chapitre consacré par M. Tannery à Zénon, que la pluralité combattue est la pluralité réalisée, en acte, celle qui s’accorde avec l’idée pythagoricienne, celle qui seule permet de dire que la chose multiple a un nombre, ou est un nombre. Ainsi compris, tous les arguments de Zenon présentent une unité de vue parfaite. » — Pas si parfaite que cela cependant. Il s’agit ici de la théorie selon laquelle, d’après Pythagore, les corps seraient composés de points ou unités indivisibles. Or, selon M. Milhaud, qui se sépare en cela de M. Tannery, les deux derniers arguments de Zénon, la flèche et le stade, seraient seuls dirigés contre l’hypothèse des indivisibles. Les deux premiers ne s’attaqueraient pas, directement du moins, à cette conception. « Jusqu’ici il est question, dans la dialectique de Zénon, de parties d’espace et de temps, diminuant sans doute, et indéfiniment, mais aussi