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sance occulte que découvre sous l’apparence l’intelligence. Si dans les phénomènes les mouvements se succèdent, conditions antécédentes de leur apparition, en chaque mouvement et à chacun de ses moments il y a, dit Leibniz, une tendance secrète qui est ce qui s’y trouve de réel, le reste n’étant que changement superficiel de rapports.

Dans la vieille religion romaine, à chacune des phases successives des phénomènes une divinité spéciale opère. C’est ce que la philosophie vint changer en chassant de la nature des légions de forces secondaires à demi personnifiées, et en substituant à leurs opérations irréguliéres des suites constantes de faits visibles par lesquels tend à un arrangement final une puissance invisible.

Et en même temps qu’elle élevait plus haut les causes et les fins où elles tendaient, c’était la philosophie encore qui, par le perfectionnement des méthodes, aidait les sciences naissantes à déterminer avec une exactitude toujours plus grande, à part tout recours aux premiers principes, les principes secondaires et leur enchaînement. Aux Socrate, aux Platon remontent l’induction et l’analyse.

Dans ce double travail, la philosophie n’élimine pas la religion : elle écarte une idolâtrie qui s’y mêlait et y faisait obstacle. Elle ne détruit pas la croyance antique, mais la perfectionne. Ce qu’elle ôte à des demi-dieux qui pouvaient suffire à l’imagination, non à l’intelligence, elle le reporte à des sources plus profondes. C’est ce qu’exprimait tout d’abord le créateur de la philosophie grecque, Thaïes, en disant : Tout est plein de dieux.

Il y a, dit Vico, celui qui fonda la philosophie de l’histoire en distinguant le premier les époques, semblables chez toutes les nations, du développement des idées, il y a deux sortes de savoir : le savoir réfléchi (sapienza riposta), qui est celui des philosophes, et le savoir spontané ou instinctif, qu’il appelle le savoir populaire (volgare). Ces deux sortes de savoir ou de science ne sont pas contraires l’une à l’autre : elles diffèrent comme deux degrés d’un même développement où régnent successivement les deux facultés de l’imagination et de la raison. La première science est de forme poétique ; elle exprime en termes figurés, métaphoriques, ce que la seconde exprime en termes propres.

Il aurait pu ajouter que si des deux sciences la première a plus d’obscurité, en retour elle a souvent plus de vérité foncière et de