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sique de l’espace consisterait donc à montrer que la multiplicité des parties de l’espace est une forme qui ne subsiste que si elle est posée par une pensée simple, qui la pose continuellement dans chacun de ses actes. Or nous ne croyons pas qu’on puisse déduire les déterminations spécifiques de l’espace (ses trois dimensions), non plus qu’on ne saurait dire pourquoi le temps est ce qu’il est et non pas autre. Mais, dira-t-on, la métaphysique n’a-t-elle pas pour but de transformer en détermination nécessaire ce qui n’est d’abord qu’une constatation empirique ? Sans doute, mais en établissant la réalité de l’être universel, la pensée métaphysique a accompli déjà une partie de cette tâche. Il suit de là, en effet, que dans tout jugement, la subsomption du particulier réel sous le concept général n’est pas une apparence trompeuse, ni une constatation de fait, mais qu’elle repose sur un acte original de l’esprit et qu’elle est bien fondée : la métaphysique nous réconcilie avec les choses et nous apprend que la science (et d’une manière plus générale la pensée) n’est pas un jeu d’abstractions, mais une œuvre grave et sérieuse fondée sur la réalité même.

Seulement, une question nouvelle se présente : peut-elle procéder à la construction a priori des formes particulières de la nature ? La déduction scolastique du monde tel qu’un Hegel a pu la concevoir est-elle une tentative légitime ? On peut affirmer, sans doute, que chaque forme particulière est métaphysiquement nécessaire, en ce sens que c’est toujours une pensée métaphysique qui la pose. Mais il nous paraît impossible de recourir à une déduction plus directe. Nous avons déjà rappelé (au début de cette étude) les raisons pour lesquelles la méthode métaphysique doit être distinguée de la méthode de la science : le jugement scientifique est un jugement extérieur, où le contenu paraît indifférent et extérieur par rapport à la forme ; la métaphysique est, au contraire, l’union (et la démonstration de la légitimité de cette union) de la forme et du contenu. Si bien que ce qui paraît l’essentiel, la synthèse, garde un caractère empirique et extérieur dans les sciences. Nous le montrerons facilement par un exemple. La méthode de la science est l’analyse quantitative (arithmétique, algèbre), et cette méthode s’applique à un contenu concret (l’expérience). Or cette application a toujours dans la science un caractère arbitraire et contingent. Ainsi toute mesure, qui cependant seule permet d’appliquer le nombre aux phénomènes naturels, est choisie arbitrairement (pour les longueurs, telle fraction de la circonférence terrestre ; on pourrait faire la même remarque pour les coordonnées, qui résultent de l’application de l’algèbre à la géométrie). Il est impossible, par conséquent, de déduire a priori les unités de mesure. Mais cette catégorie est justement la plus importante de toutes celles du système de la nature. Nous trouvons donc, dans la science, des synthèses empiriques d’une part, de l’autre, des méthodes analytiques que l’on rapproche arbitrairement. Par conséquent une déduction des formes particulières de la nature n’est pas possible.

Pour confirmer cette vue, il serait intéressant d’examiner la marche suivie par les métaphysiciens lorsqu’ils essayent de procéder à des déductions de ce genre. Ils se rendent compte, d’une part, que l’analyse est une