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ENSEIGNEMENT





LE DIALOGUE DANS L’ENSEIGNEMENT DE LA PHILOSOPHIE




On emploie divers procédés pour enseigner la philosophie. Parfois le professeur dicte son cours — ce qui est d’une pédagogie un peu primitive ; — parfois il le fait autographier, et le remet, définitif et immuable, entre les mains des élèves — ce qui réussit quelquefois, mais ne vaut pas beaucoup mieux. — Parfois le professeur parle, expose les questions ex cathedra, « fait des leçons » — ce qui est souvent admirable, car c’est la méthode des maîtres les plus distingués. Mais il en est une, trop rarement employée, qui nous semble pourtant supérieure à toutes les autres : c’est le dialogue avec les élèves. Je voudrais montrer quel usage on en peut faire, — quels en sont les avantages, — comment il est facile d’en éviter les dangers.

Et d’abord, quel usage doit-on faire du dialogue ? La place qu’on lui laisse en général nous semble trop restreinte. Certains professeurs essayent de l’employer à la fin de la classe, après la leçon : les élèves sont invités à présenter leurs critiques, et là-dessus la discussion doit s’engager. — Presque toujours ces tentatives avortent ; ce programme ne s’exécute pas : les élèves ne parlent pas. D’abord ceux qui n’ont pas pu d’emblée suivre et comprendre le cours — et il y en a toujours — sont muets. Les autres le sont aussi, pour d’autres raisons : cette leçon qui leur arrive toute faite, qui s’impose à eux de l’extérieur, les accable un peu : ils ne restent pas très libres de leur jugement, surtout si la leçon est nette et vigoureusement déduite. À cet âge, penser par soi-même est difficile, penser sur-le-champ à l’encontre d’un maître vénéré est à peu près impossible. Et même s’ils ont une idée, s’ils voient une objection, ils hésitent, ils ne se lancent pas, ils se hasardent sans entrain, sans laisser-aller ; car, on a beau dire, il s’agit pour eux de critiquer le professeur : cette pensée les gêne ou même les paralyse ; ils se sentent dans une situation fausse. Aucune causerie vraiment sincère et cordiale ne peut éclore dans ces conditions. — Tel est le vice du système : par lenteur d’esprit, par passivité ou par embarras, les élèves restent muets.

D’autres professeurs admettent le dialogue au début de la classe, dans