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triangle dont deux côtés tombent à angle droit l’un sur l’autre ; voilà une propriété concrète, qualitative. À la rigueur, on comprendra que si l’on veut absolument énoncer un nombre à l’occasion de l’écartement des deux droites, de cette chose qu’on nomme un angle, il soit possible de la comparer à d’autres de même espèce, de la mesurer. Ainsi, lorsqu’on dira que cet angle a 90 degrés, cela n’aura rien d’étrange et ne supposera que la notion toute primitive de mesure. Mais que cette propriété de l’angle droit soit traduisible par une relation générale entre les carrés des nombres qui mesurent les longueurs des côtés, , voilà vraiment où commence le merveilleux ! Ce qui caractérise l’angle, ce qui en fait une chose distincte en qualité de ce qu’on nomme une longueur, cela s’efface donc pour se fondre, pour s’exprimer en propriétés des nombres ! Faisons abstraction de nos habitudes d’esprit actuelles, de celles surtout qu’a favorisées le développement de la géométrie analytique, c’est-à-dire de cette géométrie qui se résout en science abstraite de la quantité, et, je m’adresse à votre jugement naturel, ne trouverons-nous pas dans ces premières découvertes des propriétés numériques, des figures, des formes, de quoi confondre d’étonnement et d’admiration un penseur aussi profond que nous nous représentons Pythagore, et de quoi lui faire dire : les choses qui ont une forme, une figure, sont nombres ?

Au surplus, nous savons à peu près de quel ordre étaient les considérations d’arithmétique pure des Pythagoriciens : ils n’étudiaient pas les propriétés des nombres, comme nous le faisons nous-mêmes, sur les symboles abstraits, mais sur des figures formées par des points. Le point était, pour les Pythagoriciens, l’unité ayant une position. Une ligne, c’était à leurs yeux une suite de telles unités. Deux longueurs égales en comprenaient le même nombre, deux longueurs inégales en comprenaient l’une plus que l’autre. Bref la longueur était tel nombre par le nombre de ses points. — Mais, direz-vous, comment des géomètres ne s’apercevaient-ils pas que deux longueurs ne sont pas toujours commensurables, n’ont pas toujours un rapport ? Or, si ces longueurs n’étaient que des nombres de points, m, n, leur rapport existerait toujours, ce serait ! — Les Pythagoriciens connaissaient parfaitement l’existence des longueurs incommensurables ; ils savaient très bien, par exemple, que la diagonale d’un carré et le côté ne peuvent se mesurer l’un par l’autre. C’était