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sorte effectuer l’addition. Mais comment le pourrait-il si la série ne commence pas, s’il n’y a pas un premier terme auquel il soit possible d’ajouter les suivants ?

L’Achille nous met en face d’une difficulté de même nature. En effet, les vitesses demeurant constantes, les avances successives du mobile le plus lent forment les termes d’une progression géométrique décroissante. Il est vrai qu’ici le premier terme est donné et même autant de termes qu’on voudra. L’addition peut commencer et se poursuivre, mais elle ne s’achèvera jamais. Jamais on n’aura ajouté à la somme des précédents le dernier terme de la série, pour cette raison bien simple que la série n’a pas de dernier terme. La progression, nous dit-on, représente en réalité une quantité finie que le mathématicien détermine. Soit ; mais le mathématicien n’a pas besoin pour cela d’effectuer réellement l’addition de tous les termes. Il emploie un raisonnement qui n’est pas à la portée du mobile ; il tourne la difficulté que celui-ci croit aborder de front. Il n’y a pour le mobile qu’un moyen d’obtenir la somme, c’est de réunir une à une toutes ses parties. Par suite, la sommation lui est impossible et le serait aussi au mathématicien s’il était obligé d’agir de même.

D’ailleurs est-il exact de prétendre que la suite indéfinie a réellement une somme finie ? Ne pouvant jamais être donnée tout entière, la suite n’a proprement pas la somme. Ce qui est vrai, c’est que si l’on prend un nombre suffisant de ses termes, on obtiendra une somme qui différera d’aussi peu que l’on voudra d’une certaine quantité finie. Telle est l’unique expression rigoureuse du fait mathématique ; toute autre est incorrecte et foncièrement absurde.


Une autre objection hasardée par Aristote et depuis constamment reproduite consiste à dire que Zénon considère exclusivement la divisibilité infinie de l’espace sans tenir compte de celle du temps. Celui-ci étant divisible comme celui-là, à chacun des intervalles que le mobile doit franchir correspond une durée proportionnelle. La totalité de ces durées est contenue dans un temps fini comme la totalité des intervalles est contenue dans un espace fini. Ce temps fini doit par suite suffire au mobile pour franchir la distance qui le sépare du but. Le mobile ne peut atteindre ce but avant d’avoir atteint successivement une infinité de positions intermédiaires, soit ; mais quand un certain temps se sera écoulé, toutes ces positions auront réellement été atteintes et dépassées. Si le mobile de Zénon