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Pourquoi conclure que le mouvement n’est qu’une apparence ; l’apparence, c’est peut-être le repos. Peut-être tout mobile, quel qu’il soit, est-il constamment animé d’un mouvement actuel. Le mouvement ne peut commencer, mais il n’en a pas besoin. Il est universel et éternel.

Il semble que l’Achille ait été imaginé pour résoudre cette difficulté. Si tous les corps sont en mouvement, tout mouvement est relatif. Il n’est plus permis d’enfermer le mouvement entre deux limites immuables. Il n’y a plus de vitesse absolue, mais seulement des vitesses relatives ou des rapports de vitesse. Or ce dernier concept contient une contradiction analogue à celle que signalait la dichotomie ; le mouvement relatif est aussi absurde que le mouvement absolu : « Le plus lent ne sera jamais atteint par le plus rapide, car il faut auparavant que celui qui poursuit soit parvenu au point d’où est parti celui qui fuit, de sorte que le plus lent aura toujours nécessairement quelque avance. »

Ici encore l’événement présupposé, la rencontre des deux mobiles, nous apparaît comme impliquant une suite infinie de conditions. La seule différence est que cette suite, tout à l’heure régressive, devient maintenant progressive. Tout à l’heure le premier terme de la série reculait en quelque sorte à l’infini, ici c’est le dernier terme qui fuit sans cesse devant nous. Là nous ne pouvions trouver une condition vraiment initiale, ici nous poursuivons en vain la condition vraiment finale. Dans l’un et l’autre cas, l’impossibilité de supposer épuisée, la totalité des conditions démontre celle du conditionné.

Les objections vulgaires dirigées contre ces arguments sont d’une extrême faiblesse et prouvent simplement que les critiques n’ont rien entendu aux raisonnements qu’ils entreprennent de réfuter.

On fait remarquer par exemple que dans la dichotomie, les espaces que le mobile est asujetti à parcourir sont progressivement décroissants, que leur somme, par suite, est une somme finie, et que rien ne s’oppose à ce qu’un mobile animé d’une certaine vitesse les ait tous parcourus au bout d’un temps fini.

Mais quelle que soit l’étendue de ces espaces, le mobile ne peut parcourir le dernier avant d’avoir d’abord parcouru tous ceux qui précèdent. Leur somme est finie, mais cette somme finie ou non, le mobile doit la réaliser partie par partie. Il ne peut parcourir l’espace total qu’en parcourant successivement et en ajoutant les uns aux autres les espaces plus petits qui le constituent. Il en doit en quelque