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Mlle G. de Varigny, un vol. in-8 de vii-272 p. avec 12 planches hors texte. Bibl. scient. internationale, Paris, Alcan, 1908. — Cet ouvrage complète les Études d’hétérogénèse dont il a été rendu compte ici même (n° de juillet 1904). L’hétérogénèse au sens précis que l’auteur donne à ce mot est la production par un organisme d’autres organismes d’espèces différentes, par ex. l’apparition de micro-organismes à l’intérieur d’un être vivant supérieur, animal ou végétal, tout risque d’apport externe ayant été écarté. Le nouvel ouvrage de Bastian est consacre à l’Archébiose, c’est-à-dire la production de la vie dans un milieu soigneusement stérilisé. Il touche donc plus encore que le précédent à la question célèbre de la génération spontanée.

Tout le livre est consacré à la description nécessairement minutieuse des expériences qui ont permis à l’auteur de faire apparaître la vie dans des liquides préalablement exposés à des températures de 125° et 130°. — D’abord l’auteur essaie de déterminer les limites de la résistance vitale à la chaleur. Il croit pouvoir affirmer que ces limites sont des températures plus basses que celles indiquées par l’école de Pasteur, sinon en ce qui concerne les spores, du moins en ce qui concerne les bactéries.

Cette première partie de l’ouvrage est extrêmement intéressante au point de vue de la méthode : elle laisse penser que les expériences de Pasteur, parfois citées par les logiciens comme des modèles, ne sont pas irréprochables et surtout comportaient des interprétations diverses qui n’ont pas été toutes examinées. Partant de l’idée que la vie n’apparaît pas là où ne subsiste aucun germe vivant, Pasteur affirmait que des germes devaient avoir subsisté si des bactéries apparaissaient à nouveau dans un liquide préalablement bouilli. Ainsi la théorie des germes n’était jamais mise en défaut : il suffisait d’admettre pour les germes la possibilité de survivre à des températures très élevées : la preuve qu’ils survivaient à ces températures était le fait même de la réapparition des bactéries. Il y avait cercle et on ne peut éviter ce cercle qu’en imaginant une autre méthode pour fixer le point thermique de mort. C’est à quoi Bastian s’est appliqué.

Même si de nouvelles expériences devaient un jour ruiner les conclusions de cet ouvrage, il resterait comme un document pour l’épistémologie à cause des mille précautions dont s’est entouré l’expérimentateur, de l’ingéniosité à démêler le défaut des expériences adverses, de l’art déployé pour grouper les présomptions en faveur d’une thèse que l’autorité de Pasteur a peut-être trop longtemps condamnée.

Mais si les découvertes de l’auteur sont confirmées elles auront une grande importance à la fois pour la pathologie et pour la philosophie. Elles seraient la démonstration expérimentale d’une continuité absolue entre la matière vivante et la matière brute, elles prouveraient la perpétuelle élaboration des espèces inférieures, au sein des milieux inorganiques. Elles montreraient, d’autre part, au médecin que la contagion n’est ni l’unique danger ni peut-être le principal et que la spécificité des germes infectieux est mal établie.

La place de l’Homme dans l’Univers, par Alf. Russel Wallace, trad. de l’anglais par Mme C. Barbey-Boissier, 1 vol. in-8 de xxiv-306 p. Paris, Schleicher, 1908. — Ce petit livre de vulgarisation pourrait aussi bien s’appeler : Essai de finalisme scientifique. Il veut montrer, par des preuves qui n’ont pas toutes une égale valeur, que la place de l’Homme dans l’Univers, c’est le centre, et qu’en tout cas, si l’ensemble des lois naturelles avait dû converger vers l’apparition et la conservation de l’être humain que nous connaissons, elles ne seraient pas autres qu’elles ne sont. La principale partie du livre est un chapitre d’astronomie populaire : ce qui tient surtout au cœur de l’auteur, c’est d’appuyer de toutes les autorités qu’il peut rassembler l’opinion de Herschel qui fait de la voie lactée un grand cercle de la sphère céleste, constituant pour l’univers un plan de symétrie, le système solaire occupant à peu près le centre de ce cercle. Passant aux conditions de l’apparition de la vie sur la terre, l’auteur s’efforce de démontrer qu’elles ne sont toutes réunies que sur notre planète, et que l’hypothèse de l’habitabilité des autres mondes est pour le moins « frivole ». Enfin des raisons d’ordre moral, qui ne pouvaient manquer d’intervenir en une telle argumentation, terminent l’ouvrage. On aimerait qu’un naturaliste comme Russel Wallace, qui avançait en même temps que Darwin la théorie évolutionniste de l’origine des espèces, présente à l’appui de ses conclusions anthropomorphiques d’autres preuves que des citations de « savants qualifiés », et ne se contente pas, sur certains points des plus importants de son exposé, de décider pour ou contre une thèse d’après le nombre et le poids de ces autorités.

The Science and Philosophy of the