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Magie et droit individuel. La magie est un fait social comme la religion. Mais alors « comment la chose magique, si elle est chose sociale, peut-elle passer pour prohibée ? Comment peut-elle être à la fois licite et illicite, religieuse et irréligieuse ? Nous sommes amenés ainsi, soit à réviser notre notion de ce qui est magique, soit à rechercher si les faits nous fournissent une conciliation acceptable de ces notions opposées. » C’est la conciliation entre les deux termes opposés de cette « antinomie » que M. Huvelin s’attache à opérer, en se fondant sur une très ingénieuse analyse d’un grand nombre de faits juridiques. Le droit intra-familial, le droit public interne, se présentent à nous, dès le début de l’évolution sociale, avec un caractère religieux. Au contraire les délits contre le droit de propriété, ou contre la personne, ont un caractère magique très marqué ; la magie a pareillement exercé une influence prépondérante, « exclusive même », sur la conclusion et sur la résiliation des contrats. D’où provient, selon M. Huvelin, cette différence ? Lorsque l’activité individuelle se fait une place grandissante dans des sociétés où primitivement la croyance commune était tout, où, par suite, tout était religieux, elle ne peut, pendant longtemps, « obtenir la protection sociale qu’en se couvrant de formes religieuses ». Cet emploi des forces religieuses par l’individualisme », c’est la magie. « Ainsi se résout l’antinomie… Dans le domaine du droit, le rite magique n’est qu’un rite religieux détourné de son but social régulier, et employé pour réaliser une volonté ou une croyance individuelle… Le rite magique est religieux dans toute sa teneur extérieure ; il n’est antireligieux que dans ses fins. »

2. R. Hertz. Contribution à une étude sur la représentation collective de la mort (p. 48-137). La plus grande partie de ce long mémoire est consacrée à la démonstration de ce fait que le mort a généralement été considérée, non pas, comme nous serions aujourd’hui naturellement portés à le croire, comme un accident brusque, mais comme un passage, demandant l’écoulement d’un certain temps, entre la vie présente et l’état où passera définitivement le mort : d’où une série de rites, dont on observe partout la présence plus ou moins nette (notre « deuil » est une survivance de ces rites), et qui ont pour fonction de veiller sur le mort — sur son corps ou son âme, — pendant la période intermédiaire. De ces faits, M. Hertz tire une conclusion conforme, nécessairement, aux principes de l’école. La mort apparut surtout, à la conscience collective des sociétés primitives, comme un scandale social. La destruction de l’ « être social greffé sur l’individualité physique… par de véritables rites de consécration » apparaît à la conscience sociale comme un sacrilège, dont elle se refuse à considérer les effets comme irrévocables. Elle l’interprète donc comme une « initiation » après laquelle « le mort renaît transfiguré » : il s’agit, par des rites appropriés, de faire en sorte que se produisent régulièrement cette renaissance et cette transfiguration.

3. C. Bouglé. Note sur le droit et la caste dans l’Inde. M. Bouglé essaie de marquer ce qui rattache « les tendances générales du droit hindou » « au régime caractéristique de la civilisation de l’Inde au régime des castes ». Le droit hindou, il le définit comme « pénétré de religion et attaché à l’inégalité, moins préoccupé de réparer que de punir, et de punir de la façon la plus dure » (p. 145-6). Ces caractères, il les explique par un régime « où la caste tient ses membres immobiles serrés les uns contre les autres dans le cercle des usages et du métier héréditaires. » « La différenciation interne de ces collectivités élémentaires est au minimum ; et il n’est pas étonnant qu’à l’intérieur de chacune d’elles la conscience collective manifeste impérieusement sa prépondérance. » Mais, lorsqu’il s’agit des relations qui existent entre ces groupes, absolument fermés les uns aux autres, « ces consciences collectives distinctes ont un certain nombre de parties communes. Elles s’entendent sur certains sentiments. Et ce sont ceux sur lesquels repose leur séparation même… S’il est vrai que les Hindous ignorent d’une manière générale les usages propres aux castes qui ne sont pas la leur ; c’est du moins, chez tous également, un article de foi qu’il y a des castes, qu’il doit y en avoir, et qu’avant tout l’ordre qui les maintient distinctes et hiérarchisées doit être respecté » (p. 167).

Deuxième partie. Analyses. La disposition des matières n’a pas subi de modifications notables. Nous ne voyons à signaler qu’une nouvelle rubrique ( « les espèces de la production » — depuis la grande division en agriculture, commerce et industrie, jusqu’aux distinctions les plus particulières des diverses industries) : encore M. Simiand déclare-t-il ne l’ouvrir « que pour mémoire », « sauf à renvoyer, pour une bonne part de la matière à y mettre, à ces autres sections ». Il faut y