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Cette tentative fut suivie d’un retour, nous n’oserions pas dire à Kant, mais à une interprétation hyperbolique de la Critique de la raison pratique, qui invoquait l’alternative morale à chaque tournant de la route où la spéculation demeurait en détresse. Par un injuste retour des choses d’ici-bas, Kant devait devenir la victime de ces criticistes trop zélés qui avaient méconnu le rationalisme radical de la pensée kantienne. De là l’éclatante conversion de quelques philosophes universitaires ; de là aussi le mouvement qui pousse, à la suite de Renan, de Guyau, ou de Maurice Barrès, les jeunes gens, avides de jouer leur rôle dans la crise contemporaine, mais dénués trop souvent d’une sérieuse culture philosophique, à poser la question morale sous la forme rudimentaire de ce dilemne : Ou Tolstoï, ou Nietzsche. D’ailleurs, M. Dauriac se réserve de ne pas prendre très au sérieux, tout au moins très au tragique, les jeunes écrivains dont il étudie l’évolution : « Cette crise, à y regarder de près, est moins une crise de la pensée ou de la conscience, qu’une crise de l’imagination, autrement dit une crise surtout littéraire, quelque chose comme une survivance de feu le Romantisme. » Il ne discute donc pas avec cette jeunesse qui a sonné le glas de la morale kantienne. Il lui fait seulement une recommandation : l’étude patiente, laborieuse et objective des textes.

VI. Bibliographie philosophique française de l’année 1906, par MM. F. Pillon et Lionel Dauriac.

L’Année psychologique, publiée par Alfred Binet (Secrétaire de la rédaction : Larguier des Bancels), 13e année ; 1 vol. in-8 de 495 p., Masson, 1907. — Tous les articles qui composent le présent volume sont rangés sous une même rubrique : Mémoires originaux, qu’ils soient consacrés à l’étude d’un point particulier ou à la revue des travaux récents sur une question générale. Comme on le verra par l’énumération qui suit, le domaine de ces mémoires est étendu, par l’initiative toujours en éveil de M. Binet, à l’ensemble des problèmes qui peuvent solliciter la curiosité d’un psychologue. I. La relativité de l’espace, par Henri Poincaré : « On voit, dit en concluant l’illustre savant, que si la géométrie n’est pas une science expérimentale, c’est une science née à propos de l’expérience, que nous avons créé l’espace qu’elle étudie, mais en l’adaptant au monde où nous vivons… Nous pourrions concevoir, vivant dans notre monde, des êtres pensants dont le tableau de distribution serait à quatre dimensions et qui, par conséquent, penseraient dans l’hyperespace. Il n’est pas certain toutefois que de pareils êtres, en admettant qu’ils y naissent, pourraient y vivre et s’y défendre contre les mille dangers dont ils seraient assaillis. » — II. Les progrès de la psycho-physique : l’évolution des idées directrices, par Foucault. Étude critique consacrée aux publications récentes de G. E. Müller, de Titchener, de Lipps et d’Aliotta ; Foucault montre la difficulté croissante que l’on éprouve à justifier la notion des mesures psychiques ; il insiste, comme dans sa thèse, sur l’importance de la « clarté des perceptions », manifestée par les erreurs de reconnaissance, pour constituer un type de psychologie expérimentale et quantitative. — III. La perception des faits psychiques, par P. Souriau : « Il nous faut décidément renoncer à cette idée, autrefois admise de bon nombre de psychologues, que les faits psychiques différent par la manière dont ils sont connus. » — IV. Les Insectes et la couleur des fleurs, par Félix Plateau : « L’admiration pour la couleur des fleurs n’existe pas chez les Insectes… L’odorat… est vraisemblablement le sens principal qui leur fait découvrir les fleurs renfermant du pollen ou du nectar. » — V. La sécrétion de salive dite psychique d’après les travaux de Pawlow et de ses élèves, par G. Zeliny. — VI. Le médecin et le pédagogue, par le Dr Ley. Revue des efforts tentés dans tous les pays, même en France, pour adapter l’enseignement à l’état psycho-physiologique des enfants, principalement pour tenir compte des « irréguliers intellectuels ». — VII. Psychologie et métaphysique, par J. Maxwell. Discussion de quelques faits de télépathie. — ̃VIII. Le toucher et le sens musculaire, par J. J. Van Biervliet. Résumé d’expériences qui montrent « combien l’adjonction des mouvements accroît la finesse du toucher de l’organe exploré », permettant de supposer « que la mobilité ou, mieux, le mouvement, intervient de quelque manière lors même que les organes semblent immobiles ». — IX. Expériences de mémoire visuelle verbale et de mémoire des images chez des enfants normaux et anormaux, par le Dr O. Decroly et J. Degand. — X. Sensibilité cutanée ou sensibilité articulaire ? par B. Bourdon. En conclusion des expériences rapportées et analysées dans le mémoire, « c’est à la sensibilité cutanée et non pas à la sensibilité articulaire que nous devons la perception des mouvements délicats de nos membres et de leurs positions en attitude ». — XI. Grandeur et décadence des Rayons N, histoire d’une croyance, par Henri Piéron. Étude des plus suggestives au point de