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examine dans le détail des problèmes qui ne sont ni moins intéressants ni moins vivants : il recherche tes principes de la distinction de la connaissance immédiate et de la connaissance médiate. (Il y revient à plusieurs reprises). Cette distinction est d’ailleurs chez Fries à la base de la distinction entre la connaissance sensible et la connaissance par réflexion. (V. surtout t. I, pp. 29 sqq., pp. 78 sqq ; — t. II, pp. 5 sqq. — M. Elsenhans étudie le rôle de la volonté dans la connaissance, recherche si l’on peut établir une identité entre la connaissance volontaire et la connaissance par réflexion, d’une part, la connaissance involontaire et la connaissance immédiate, de l’autre.) – Il s’efforce de préciser la place de la réflexion dans la vie de l’esprit et même dans la vie consciente considérée dans son ensemble (t. I, ch. v : La réflexion). — Il pose la question des rapports entre la logique formelle et la critique de la connaissance (il reproche à Kant d’avoir accepté trop docilement les leçons de la logique traditionnelle, de n’avoir révisé ni la liste des catégories ni la table des jugements ; — mais il n’apparait pas que lui-même fournisse des indications précises et utilisables). – Il se demande si Kant a eu tort ou raison de ne pas établir d’identité entre connaître et penser. Il estime que la distinction établie par Kant n’est pas justifiée et qu’une pensée sans objet est inconcevable (vol. II, p. 22) ; etc.

Riche par le contenu, l’ouvrage de M. Elsenhans vaut aussi par la méthode avec laquelle il est conduit. Il abonde en divisions et en subdivisions. Des titres de chapitres et de paragraphes bien formulés aident à suivre l’enchaînement, parfois un peu compliqué, des idées et des théories. La vue de ce grand nombre de divisions et de subdivisions, la lecture même de certains chapitres ferait aisément croire à un ouvrage fragmentaire et inorganique. On aurait grand tort de s’en tenir à ce premier sentiment. L’unité, parfois difficile à saisir, est réelle. Il arrive même que l’auteur fasse ressortir nettement cette unité. Le début du chapitre v du Ier volume (sur la réflexion) est remarquable à cet égard.

La théorie de la réflexion est centrale, essentielle, dans l’œuvre de Fries. M. Elsenhans, examinant tour à tour les rapports de la réflexion avec l’imagination, l’intuition, l’entendement, la raison, en même temps qu’il spécifie de mieux en mieux la nature, le rôle et la portée de cette faculté, éclaire d’une plus vive lumière la position spéciale de Fries dans les problèmes de critique de la connaissance, dégage de mieux en mieux les ressemblances et les différences que présente la philosophie de Fries avec celles de Kant, de Jacobi, de Fichte. La langue est claire, précise, expressive. M. Elsenhans résume souvent une théorie, une opposition de doctrines, en une formule vigoureuse.

L’ouvrage, comme le titre l’indique, comprend deux parties. Le premier volume en constitue la partie historique ; le second la partie critique et systématique. Mais la différence des deux volumes est moindre que le titre ne semblerait l’indiquer. M. ̃Elsenhaus y examine, y compare, y critique des doctrines philosophiques plutôt qu’il ne fonde une théorie sur un examen des principes des sciences constituées, ou qu’il n’essaie d’instituer par une méthode philosophique strictement définie un système rationnel des catégories et des principes dont use l’esprit dans l’élaboration de la connaissance. L’auteur prouve qu’il connaît les réflexions critiques des savants modernes et contemporains. Il ne révèle pas aussi nettement qu’il appuie ses études philosophiques sur des données scientifiques solides et élaborées. Il prouve qu’il connaît Kant, Fries et même d’autres philosophes. Mais son œuvre systématique, malgré l’unité réelle que nous avons signalée, présenté un peu trop l’aspect d’une mosaïque où Fries serait appelé au secours de Kant défaillant, où Kant apparaîtrait lorsque Fries a témoigné de la solidité de son œuvre, et où quelque autre viendrait combler les lacunes et réparer les erreurs de Kant et de Fries. — C’est le danger du genre, c’est le danger de la méthode. Une telle façon de procéder est, croyons-nous, plus propre à révéler les problèmes qu’à les résoudre.

Pour la partie historique nous aurions de moindres réserves à formuler. L’exposition est en général exacte et fidèle. (V. dans le second volume l’analyse de ce qui est pour Kant le Factum de la Raison pratique ; l’analyse de l’Idée d’Être raisonnable chez Kant ; les Présuppositions critiques de la théorie de la connaissance.) — Nous sommes moins persuadés que l’auteur ait raison lorsqu’il croit, malgré Kant, que la théorie kantienne de la connaissance présupposé des données psychologiques. Mais ce n’est pas ici le lieu de rechercher si, en droit, la critique doit s’appuyer sur la psychologie ou tout au moins compter avec elle, et si, en fait, il en a toujours été ainsi. Il semble bien que la solution donnée par l’auteur à la question de droit détermine celle qu’il donne à la question de fait. La vérité