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et agir sur sa pensée, ainsi d’ailleurs que celle d’Avicenne, l’averroïsme, l’avicennisme, le thomisme et l’augustinisme constituant les quatre courants de pensée auxquels les contemporains de Dante ont puisé. Par l’examen des textes mêmes du poète, il établit ensuite que la cosmologie dantesque, principalement en ce qui concerne la création et la conception du devenir de l’univers, témoignent d’une influence avicenniste et augustinienne. Dieu conçu comme une source perpétuelle de lumière, la causalité attribuée à l’empyrée rappellent le néo-platonisme et la doctrine de la création médiate enseignée par Avicenne. De même dans la conception que Dante se fait de l’âme humaine, de la connaissance et de la moralité des influences non thomistes, se font évidemment sentir. Il est donc permis de conclure contre Mandonnet que Dante n’a pas ignoré la doctrine de Siger de Brabant et l’a citée au contraire en connaissance de cause, puisque l’un et l’autre empruntent beaucoup de leurs idées à la conception néo-platonicienne et avicenniste de l’univers.

Il Metcdo Attivo nell’Emilio. Ripensando l’Emilio. Saggi, par G.-A. Colozza. 1 vol. in-12 de 266 p., Ant. Trimarchi, Palerme, 1912. — À l’occasion du bicentenaire de J.-J. Rousseau, M. Colozza nous présente sur les idées pédagogiques du penseur deux excellentes études, dont la première, La méthode active dans l’ « Emile », a paru d’abord dans la Rivista di Pedagogia (nos de mars et d’avril 1912). M. Colozza veut revenir à la méditation directe des textes, éclairée par la critique, mais sans parti pris ; et il y découvre une doctrine sur certains points assez différente de celle qu’on attribue traditionnellement à son auteur. Il ne conteste pas que la méthode pédagogique préconisée par Rousseau soit, à un premier stade, négative ; mais il démontre, avec un grand nombre de preuves à l’appui, que cette méthode est aussi, sous un autre aspect de plus en plus prépondérant, essentiellement active.

Dans une deuxième étude, En repensant l’ « Emile », il établit que cet ouvrage a pour seul but l’éducation de l’homme en tant qu’homme, la préparation à la fonction d’homme, et qu’il présente ainsi le caractère d’un traité de pédagogie générale ; mais Rousseau n’a pas voulu par là exclure l’éducation sociale et politique, et il en ébauche les grandes lignes, quand l’occasion s’offre à lui, par exemple dans le Discours sur l’économie politique et ailleurs.

M. Colozza n’ignore pas les difficultés et les obscurités de son auteur, et il fait assez large la part du paradoxe et de l’artifice. Mais par là il ne se sent que stimulé davantage à mieux mettre en lumière ce qu’il y a d’original et de fécond dans la nouvelle doctrine ; et il atteint fort bien le but qu’il se propose dans ces pages si vives et si pénétrantes, qui méritent d’être lues et méditées ailleurs qu’en Italie.

L’Idealismo Etico di Fichte e il Socialismo Contemporaneo (Per una religione socialista), par Perego Luigi, 1 vol. in-8 de 268 p., A.-F. Formiggini, Modène, 1911. — Dans cet essai actuel et intéressant de conciliation du socialisme avec l’idéalisme éthique de Fichte, on peut distinguer trois aspects ou trois moments de la démonstration : 1° une certaine conception du socialisme ; 2° une certaine conception de la pensée de Fichte ; et 3° la synthèse proprement dite de l’une avec l’autre, sur le terrain théorique et pratique.

M. Perego estime que le socialisme ne peut plus se soutenir sur une base exclusivement économique, comme doctrine matérialiste (Marx), ni d’autre part comme théorie purement critique (Bernheim) ; mais qu’il doit s’affranchir à la fois du fatalisme historique et du libéralisme néo-kantien. Il pense que le socialisme ne doit pas être un système étroitement utilitaire, ne visant qu’à la plus grande somme de bonheur ici-bas ; mais qu’il est en son fond, et qu’il aspire toujours plus à être, la morale de la solidarité et la religion sociale.

En ce qui concerne la pensée philosophique de Fichte, M. Perego n’a pas voulu en donner une analyse complète et rigoureuse, mais seulement en dégager l’esprit et les thèses les plus vitales. Il suit l’excellent exposé que nous en a donné M. Xavier Léon ; mais il croit voir un changement radical de point de vue entre la première période et la deuxième période de la pensée de Fichte, et il fait abstraction de l’idéalisme ontologique et mystique, pour s’en tenir exclusivement à l’idéalisme moral.

À son avis, cet idéalisme moral apporte au socialisme contemporain la doctrine dont il a besoin pour se justifier, s’élargir et s’approfondir. Le socialisme, hostile au libéralisme vulgaire, postule au contraire la liberté au sens exact où l’entend Fichte, comme acte pur, union de la volonté et de la connaissance, expression dynamique de la justice. Le socialisme trouve une inspiration et un guide dans la théorie du droit de Fichte, dans les principes de l’État conforme à la raison,