Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1910.djvu/21

Cette page n’a pas encore été corrigée

L’élément simple, « le dernier chiffre avec lequel calcule la nature », est une simple idée au sens kantien du mot, un éternel devoir : jamais on ne l’atteint, jamais on ne pourra l’atteindre par l’expérience. Voilà la doctrine qu’oppose Natorp à l’ « absolutisme » toujours renaissant dans la philosophie et dans la science. La science de la nature n’aboutit jamais qu’à déplacer l’ignorance. L’atome, comme élément dernier et absolument indestructible de la nature est mort ; vive l’indestructible électron ! « Le roi est mort, vive le roi ! » Et quand on déclare la guerre à la matière, c’est pour matérialiser l’énergie. C’est que chacune des questions dont l’ensemble constitue la science n’est jamais qu’une question de méthode de la connaissance : les systèmes de points par exemple n’ont, comme l’a reconnu Schmitz-Dumont, qu’une signification purement méthodique.

Le principe d’énergie permet de transporter les procédés de la mécanique au domaine entier de la physique : par là « en un sens purement méthodique la physique entière est transformée en une théorie du mouvement ». Le véritable sens de la conservation de la substance est la conservation de l’énergie. Les équations de la physique traduisent seulement en dernière analyse cette proposition tautologique que le mouvement se meut (p. 386). Le livre s’arrête, un peu court à notre avis, sur le « principe de relativité ». On voudrait que ce résumé fit sentir la force dialectique, la vigueur et la rigueur méthodiques qui par instants rappellent Hegel, et qui font de cet ouvrage un véritable monument de l’idéalisme critique.

Das Seiende als Objekt der Metaphysik. Erster Teil einer Erkenntnistheorie der Metaphysik. I. Die erste Konzeption der Metaphysik im abendländischen Denken, par Herman Schmalenbach (dissertation pour le doctorat de l’Université d’Iéna, sans date, 72 p.). — Ceci est le premier chapitre de la première partie d’un ouvrage intitulé Théorie de la connaissance métaphysique. L’auteur est en effet un métaphysicien fougueux : c’est, dit-il, M. Simmel qui a éveillé en lui « la passion de la conceptualité. » Sa présente étude a pour but de dégager « des premières conceptions métaphysiques dans la pensée occidentale » l’essence de la science métaphysique. Ce qui lui manque le moins, c’est l’ingéniosité : il a de jolies remarques sur le génie grec opposé au génie hindou (p. 7), sur le caractère positif de l’idée de néant, sur la signification du chaos. Ce qui lui manque le plus, c’est la prudence :










certaines des analogies et des rapprochements où il se comptait sont des plus aventureux, et rappellent les hardiesses de la philosophie et de la philologie romantiques ; il part d’une idée qui est peut-être vraie comme elle est peut-être fausse et qui est celle de l’origine orphique de la pensée grecque on sait à quelles jongleries symbolistes cette théorie séduisante peut donner lieu. Quand Thalès affirme que l’eau est le principe des choses, cela veut dire que tout est’un, que le principe unique de la pluralité et de la multiplicité est infini et homogène, et que tout est vivant dans le flux éternel « telles sont les vues métaphysiques cachées dans la proposition physique de Thalès et la signification conceptuelle des mythes orphiques (p. 11). Quelle belle langue que le_ grec De même le « mélange » d’Empédocle est identifié par M. Schmalenbach à l’harmonie hérâelitéenne, à la coincidentia opposilorum de Nicolas de Cusa, à d’obscures idées du, romantique Novalis, et que sais-je encore ? ".1 (p. 18). Croit-il vraiment éclaircir par là te sens du concept Et encore lorsqu’il reproche à des scoliastes peu philosophes » de faire de l’a privatif « une pure négation » et de l’àopi<rtov l’absence de toute qualité, ne craint-il pas d’être injuste envers des. interprètes sans génie à coup sûr, mais qui savaient leur langue et qui marchaient avec prudence ? C’est qu’il a des intentions dogmatiques, et qu’il lui tient à cœur de prouver que l’absence de qualités dans l’Un-Tout n’est pas seulement négative » (p. 19). Pour réfuter « l’idée folle selon laquelle Anaximandre ou l’orphisme auraient en vue une priorité dans le temps lorsqu’ils parlaient du principe des choses », M. Schmalenbach fait du Chronos qui intervient chez Phérécyde après les divinités primitives, une expression symbolique du temps sur ce point, il est en désaccord avec Zeller, qui tenait l’esprit des Grecs au temps de Phérécyde pour r incapable d’abstractions aussi hautes, et les textes qu’il cite à l’appui de son interprétation sont postérieurs en date ou bien neprouvent pas ce qu’ils doivent prouver. > Mais l’auteur est dominé par une théorie personnelle et d’ailleurs fort intéressante du symbolisme, théorie à laquelle il se ..réfère plusieurs fois, notamment p. 28 et p. 44, où il veut que la sphère des Pythagoriciens ait eu tout d’abord une signification symbolique, ce qui parait contraire à toute vraisemblance. Signalons enfin comme particulièrement originale son interprétation presque élèafique de la doctrine d’Heraclite (p. 47-49). Il faut