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même l’union nécessaire, dans le déterminé, de l’un et de l’autre, bref « l’être » de la négation et par suite la réalité individuelle et l’indépendance dépendante des êtres finis à l’égard du tout absolu et entre eux (p. 206). Enfin la Dialectique rationnelle, devenue consciente chez l’homme mais immanente à tous les objets cosmiques, se révèle comme la méthode même, selon laquelle l’Être inconditionné « se déploie et s’actualise dans un monde créé de différences finies » (p. 294).

Ainsi, portés à l’absolu et réalisés en dehors du sujet, les degrés de la connaissance vaudraient comme moments successifs de la notion de Dieu. Seulement cette notion même, quand on la saisit par une intuition mystique dans sa plénitude concrète, reste toujours inadéquate à son objet. Notre synthèse de l’Absolu est vraie pour la raison finie, c’est-à-dire à un certain plan de l’extériorisation de l’Être infini, mais la vérité intégrale des choses, l’Absolu dans sa totalité nous échappera et nous dominera toujours invinciblement.

Tel est, trop simplifié, le système de Laurie, système attachant par ses ambiguïtés mêmes, où la pensée oscille sans cesse entre une vaine scolastique et une critique approfondie du savoir humain, où le meilleur se combine étroitement au pire, comme si la plus haute compréhension de l’effort rationnel et moral de l’esprit n’avait pu arracher ce philosophe à l’empirisme théologique de quelque aristotélicien, émule de Spencer.

Sachons gré à M. Remacle de nous avoir permis l’accès d’une doctrine aussi difficile à bien pénétrer et qu’il semble faire vraiment sienne, à force d’enthousiasme et de perspicacité. Regrettons pourtant qu’il ait en même temps adopté certains défauts de son auteur (en particulier le dédain de tout exemple concret, l’emploi de néologismes parfaitement






inutiles) et déplorons surtout qu’il n’ait pas pris le temps de réduire de moitié, ou même des deux tiers, un exposé toujours trop long et dont la forme prolixe et négligée perd sans cesse en clarté et en précision ce qu’elle gagne en soudaine éloquence, en brusque force de persuasion. Tel quel et dépourvu de tous les attraits dont la philosophie littéraire de ce temps sait si bien entourer ses plus pauvres productions, ce livre inégal vaut d’être longuement médité, ne fût-ce que pour la joie, trop rare aujourd’hui, d’y retrouver, sous une forme nouvelle, quelques-unes des idées les plus profondes et les plus vivantes que la raison humaine ait atteintes dans sa réflexion sur elle-même et sur ; le monde qui en elle se développe. Die lagïschenGrandlageii der exaktea. Wissensohaften, par Paul Natobp, ̃1 vol. în-S" de vu— 416 p. Leipzig et Berlin, Teubner, 1910. Le titre du livre nouveau de l’éminent philosophe de Marbourg pourrait tromper ce n’est pas un manuel exposant des notions généralement reçues sur la logique des sciences c’est un effort dialectique considérable pour fonder les concepts essentiels de la mathématique et de la physique mathématique, effort souvent bien difficile à suivre, fructueux pourtant comme on le verra. Nous ne saurions discuter ici les ji thèses de l’ouvrage où M. Natorp a condensé sa logique nous nous bornerons à en exposer les points principaux afin de donner une idée de la richesse des suggestions qu’on en pourra tirer. La logique transcendantale, au sens de Kant, discipline qui est le fondement de la philosophie théorique, a été profondément transformée par les résultats nouveaux des sciences théoriques. Ce que T M. Natorp s’est proposé de constituer, ce n’est pas une philosophie de la nature, mais une philosophie des sciences mathématiques de la nature, qui n’emprunte aux recherches des savants que les questions et qui élabore elle-même les réponses. Cette tâche serait singulièrement ambitieuse si elle ne représentait pas le travail philosophique-fait en commun par l’école de Marbourg sous la direction d’Hermann Cohen dont l’influence se fait sentir dans le livre de Natorp (notamment en ce qui concerne l’infiniment petit actuel et son application aux problèmes de l’irrationnel et de l’infinitésimal). L’ouvrage constitue une sorte de Critique de la Raison pure moderne, où l’auteur essaie de donner une philosophie intégrale des sciences exactes, passant des principes logiques aux principes méeaniques par l’intermédiaire des principes mathématiques, et des principes mécaniques à ceux de la physique tout entière. Nous nous considérons, en conséquence, comme autorisés à consacrer à ce volume une notice dont les dimensions excèdent les dimensions habituelles des notices de ce Supplément. Le premier chapitre est consacré au problème d’iule logique des sciences exactes. On considère souvent la mathématique comme une discipline purement logique pourtant Kant fait intervenir dans les fondements de la mathématique la « pure intuition qui n’est plus un ïaeteur’