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de l’Idéal », fondera en dernière analyse les préceptes moraux et l’idée de justice inséparable « pour l’Humanité qui raisonne », de celle de l’Être Suprême (p. 160).

Quelles que soient les très généreuses intentions de M. Delvaille, il est affligeant de voir un théoricien de l’éducation démocratique aboutir, dans un livre de vulgarisation, à ce vague éclectisme qui juxtapose, sans même les concilier, le Moralisme le plus étroit, le Solidarisme le plus superficiel et l’Individualisme le plus verbal.

La notion de vérité dans la « Philosophie nouvelle » , par J. de Tonquédec. 1 vol. in-12 de 150 p., Paris, Beauchesne et Cie, 1908. — Clair exposé et critique assez fine de certaines conceptions générales, relevées principalement chez M. Ed. Le Roy. L’auteur insiste, non sans raison, sur le rôle et la signification des concepts, le caractère nécessaire et objectif de la vérité. Mais croit-il pouvoir nous acculer, suivant certaine tendance, à ce fatidique dilemme : Pragmatisme ou scolastique ? M. Bergson ou saint Thomas ?

Regards en arrière : Les Préfaces de « La Quinzaine » , par George Fonsegrive. 1 vol. in-16 de 344 p., Paris, Bloud et Cie, 1908. — Ce livre réunit les préfaces écrites chaque année pour la Quinzaine de 1897 à 1907, date de sa disparition. On pourrait peut-être supposer à première vue qu’il n’a qu’un intérêt rétrospectif et de circonstance. Mais ceux qui ont suivi, tant soit peu, les efforts de cette vaillante Revue catholique et de son éminent directeur, n’ignorent pas l’originalité et l’importance du mouvement qu’ils représentent dans le développement général des idées en France.

Au point de vue historique, ces pages fermes et clairvoyantes nous suggèrent une idée assez peu flatteuse du parti catholique aux heures décisives de la lutte. Elles nous présentent en raccourci le tableau des fautes prévues et des défaites inévitables, les unes bien faites pour exciter la verve de M. Fonsegrive et pour développer toutes les énergies de sa foi, mais les autres incapables d’ébranler son optimisme toujours renaissant.

Au point de vue philosophique, il nous semble que l’échec même de cette généreuse tentative prouve une fois de plus l’incompatibilité de l’absolutisme romain avec les libres méthodes modernes. Le penseur impartial est obligé de conclure, avec A. Loisy, « qu’à l’heure actuelle, il est impossible de prévoir quand et comment la pensée et la société modernes pourraient se réconcilier avec la foi et l’institution catholiques ». Toutefois l’on aurait tort de désespérer, et mieux vaut sans doute un excès d’optimisme. Nous souhaitons que les germes féconds semés par M. Fonsegrive à pleine main sur tous les sillons trouvent quelque jour un sol favorable et un ciel clément, et portent enfin du fruit en abondance. Peut-être alors verra-t-on que ces Regards en arrière étaient en réalité des anticipations de l’avenir et qu’ils ont exploré et signalé la voie la plus sûre de la marche en avant.

La responsabilité des criminels, par le Pr  J. Grasset, 1 vol. in-12 de 276 p., Paris, Bernard Grasset, 1908. — L’auteur y défend la thèse qu’il avait soutenue au Congrès de Genève de 1907. Après une très rapide indication de l’évolution historique de l’idée de responsabilité, il expose à nouveau, et presque dans les mêmes termes que dans les Demifous, sa propre conception, purement physiologique et médicale, de la responsabilité atténuée, en marquant nettement la nécessité de distinguer cette question médicale de la question légale de la conduite à tenir vis-à-vis des demiresponsables. Il expose les opinions diverses qui se sont fait jour, au Congrès et, depuis, dans la presse, sur la question. Le livre se termine par l’analyse des avantages et des insuffisances de la nouvelle loi sur les aliénés votée par la Chambre en janvier 1907. — Il semble ressortir nettement de cette défense que, dans la pratique et sur les points essentiels, l’accord entre les deux partis est plus réel que ne le laisserait croire le bruit mené autour de cette affaire (n’a-t-on pas été jusqu’à parler d’un aveu d’incompétence prononcé sur eux-mêmes par les experts ?) — L’existence d’anormaux intermédiaires entre les aliénés véritables et les individus parfaitement sains, et chez qui le pouvoir de discernement ou d’inhibition, sans être annihilé, est, à des degrés divers, altéré ; la nécessité de créer pour ces individus des établissements spéciaux, sorte d’hôpitaux-prisons, où la peine, nécessaire dans la mesure où ces individus y restent encore sensibles, se combinerait avec un traitement médical et mental ; enfin (et bien que M. Grasset ait, à nos yeux, le grand tort d’accuser, lui aussi, ses adversaires d’un véritable renoncement à leurs obligations sur ce point) le devoir pour le médecin (d’après le vœu même de Gilbert Ballet au Congrès) d’éclairer la justice « sur la réalité et la nature des troubles mentaux chez les inculpés et sur le rôle que ces troubles ont pu jouer sur les déterminations et les