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la suite naturelle de la pensée géométrique des Grecs ; et qui, dans les travaux des Euclide, des Apollonius, des Archimède, ont voulu voir des constructions logiques savamment édifiées sur une intuition féconde, par laquelle l’esprit grec se confondait avec l’esprit humain, lui-même.

Mind, a quarterly review of psychology and philosophy, edited by Prof. G. F. Stout, Macmillan et Cie, London. – Dans les premières pages de son étude : The new Realism et the old Idealism (juillet 1906), M. J. S. Mackensie trace une courte esquisse du mouvement des idées en Angleterre pendant ces trente dernières années. Dans la génération passée, la tendance de toute philosophie spéculative était dans ce pays idéalistique au sens large, ou tout au moins, comme Sidgwick aurait préféré l’appeler, mentalistique. On discutait seulement entre une forme sensualiste et une forme intellectualiste de l’idéalisme. Autour de ces philosophes, un double courant antagoniste, le matérialisme rudimentaire des étudiants ès sciences de la nature, le spiritualisme rudimentaire associé à la religion populaire — antagonisme atténué par la via media de l’agnosticisme, où la réconciliation se faisait par un aveu mutuel d’ignorance. Puis ce sont les savants eux-mêmes qui, sous l’impulsion d’un physicien comme Oliver Lodge et d’un biologiste comme Lloyd Morgan, se montrent disposés à accepter les principes de l’idéalisme, de telle sorte que la philosophie semble victorieuse : une harmonie universelle va régner dans le monde intellectuel. C’est à ce moment, dit M. Mackensie, que deux formidables assauts vont se produire contre la citadelle de l’idéalisme, d’une part le pragmatisme, et, d’autre part, une nouvelle forme du réalisme.

De là les attaques et les contre-attaques qui, sous forme d’articles, de comptes rendus, de discussions et de réponses, trouvent leur écho dans le Mind, et malgré la présence de plusieurs études analytiques et historiques fort intéressantes, donnent aux derniers numéros leur physionomie caractéristique. Il serait difficile cependant de dégager avec netteté les progrès qui ressortent de ces polémiques à jet continu : les questions sont trop générales pour être traitées dans les quelques pages d’une Revue, et les arguments d’ordre personnel risquent de multiplier les malentendus. Nous constaterons cependant que les parties en présence sont unanimes sur ce point, que leurs adversaires les ont critiquées sans les comprendre ; nous n’oserions assurer pourtant qu’un tel accord suffirait à la signature d’un traité pour la paix perpétuelle en philosophie.

Pour M. Mackensie le pragmatisme est une variation sur l’homo mensura de Protagoras, une forme nouvelle du scepticisme qui diffère seulement de l’ancienne parce qu’elle substitue la volonté à la sensation comme caractéristique de la conscience humaine. Or, M. Schiller, si on en juge par le ton de sa réponse à M. Taylor (juillet 1906) et surtout à M. Bradley (avril 1907), crie volontiers à la calomnie. Le Pragmatisme est une doctrine qui déconcerte par sa profondeur et son originalité les théologiens attardés d’Oxford, qui n’en repose pas moins sur une base solide : l’application de la finalité à la recherche de la vérité humaine ; elle prendrait volontiers comme épigraphe le texte de l’Éthique à Nicomaque : pour l’intelligence qui est théorique, c’est-à-dire ni pratique ni productive, le bien et le mal, c’est la vérité et l’erreur (The ambiguity of truth, avril 1906). Si la critique pragmatiste de l’intellectualisme se réduit trop souvent encore à des généralités oratoires, c’est à cause de l’inconsistance de l’intellectualisme lui-même : quand les intellectualistes traitent de la vérité, écrit le Prof. John Dewey, il semble — comme s’ils étaient victimes d’un pragmatisme sans critique – qu’ils soient sous l’influence d’une émotion si forte qu’elle ne laisse plus à la pensée la faculté de s’exprimer complètement et qu’il faut deviner la plus grande partie (Reality and the criterion for truth of ideas, juillet 1907). Il est vrai que lorsque ces mêmes intellectualistes prennent la peine de s’expliquer, comme fait M. Bradley, et de dissiper les préjugés répandus sur leur propre pensée (on Truth and Copying, avril 1907), ces explications sont accueillies comme des concessions, comme des capitulations devant la révolution menaçante. On croirait, à lire M. Schiller, qu’il n’y a pas eu de philosophes entre Saint-Thomas d’Aquin et le prof. William James, et qu’il faut être psychologiste pour ne plus définir la vérité par l’adæquatio intellectus et rei. Peut-être à notre tour ces conceptions sommaires nous rendent-elles injustes pour le pragmatisme de M. Schiller; mais nous serions tentés de donner raison à M. Mackensie : tout ce qu’il y a de positif et de profond dans les notions d’humanisme et d’immanence, nous le trouvons dans Kant. C’est de Kant aussi que nous apprenons à distinguer les deux problèmes des conditions psychologiques qui expliquent la genèse d’un jugement et des conditions logiques qui en légitiment la valeur ; or, comme le fait remar-