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des préoccupations de logique des sciences qui doivent déterminer la marche des programmes d’enseignement, mais la compréhension psychologique de l’adaptation naturelle de l’esprit de l’enfant aux matières d’enseignement.

La troisième étude précise ce point de vue par l’application qu’elle en fait à l’enseignement primaire de l’histoire. Dans l’ordre des études historiques, les « manières de vivre des hommes », c’est-à-dire la vie sociale concrète, voilà le point d’attache de l’intérêt enfantin. De là l’utilité de partir d’une étude concrète de la vie sociale avec laquelle l’enfant est en contact, pour n’aboutir à l’étude chronologique que nous nommons proprement histoire qu’au dernier stade de l’enseignement primaire.

La quatrième étude aborde du même point de vue la question de la morale et de l’éducation. — Ici ce qui correspond à la matière d’enseignement, c’est l’ensemble des façons d’agir et des devoirs, qu’il appartient à la sociologie de dégager par l’étude des fonctions de l’organisme social ; l’intérêt, c’est l’ensemble des dispositions psychiques qui déterminent le comment de la conduite. L’Ecole a pour lin de servir la vie sociale ; l’idéal moral, les règles de la vie scolaire doivent être tirés de la considération des rapports sociaux que les élèves auront à soutenir dans leur vie. Pour appeler sur un tel objet l’intérêt de l’enfant, une première condition nécessaire est de faire de l’école même un milieu social réel, un raccourci de la vie sociale que les méthodes d’enseignement fassent donc appel aux pouvoirs actifs de l’enfant, que le travail manuel, réalisant des œuvres utiles, serve au développement de son sens social, que toutes les connaissances qu’on lui fournit lui donnent une représentation des travaux nécessaires à la vie sociale, que la discipline demande son efficacité aux moyens qu’elle offre à l’enfant de mettre ses connaissances au service de la société. Une seconde condition, c’est de découvrir par l’observation de l’enfant les instincts et impulsions qui sont le germe de la socialité des adultes, de tenir compte de l’évolution naturelle de ces germes, de la formation interne du caractère moral de l’enfant, qui résulte de la transformation par l’éducation des impulsions et des instincts en habitudes d’action sociale. L’école travaillera à cette formation, si elle développe la force du caractère en concentrant vers un but possible les pouvoirs actifs de l’enfant, si elle lui forme un jugement droit par l’exercice du choix réel de ses actions, si elle cultive en lui les émotions sociales au contact de la vie sociale scolaire et par l’exercice des facultés esthétiques. Disons pour résumer les deux séries de conditions, que les principes moraux ne doivent apparaître dans l’éducation que comme inhérents et à la vie sociale et au mécanisme psychique individuel.

On peut trouver matière à critique dans ces applications du principe de l’intérêt, et notamment juger un peu vague et insuffisante la notion fournie de la formation du caractère. Mais il est difficile de méconnaître la justesse et l’importance pratique de la thèse même de l’intérêt, le sens aigu de la réalité psychique et sociale qui se manifeste partout au cours de ces études et les fait riches de suggestions pour le philosophe en même temps que pour l’éducateur.

Social Justice without Socialism, par John Bates Clark, professor of political economy at Columbia University. 1 vol. in-16, de 49 p., Boston et New York, Houghton Mifflin Company, 1914. — « Nous sommes tous socialistes aujourd’hui » suivant une phrase à la mode dans les pays anglo-saxons, s’il suffit pour être socialiste, de vouloir améliorer la condition des classes pauvres, et de vouloir que l’État intervienne pour rectifier les désordres du monde industriel. Mais le socialisme de M. J.-B. Clark, s’il veut que l’État intervienne, c’est seulement pour protéger la concurrence, condition de toute richesse et de tout progrès. Il dénonce l’extrême péril que fait courir au monde moderne, en particulier à la société américaine, le développement des grands monopoles privés. Mais il n’accepte pas la solution socialiste, qui consiste à la transformer en monopoles d’État car tout monopole est un mal. Réduction de la journée de travail ; protection des travailleurs contre les risques industriels ; libre-échangisme, réforme monétaire et banquière ; assistance par le travail en temps de crise : protection des enfants et des femmes ; simplification de la procédure judiciaire. Le « socialisme » de M. J.-B. Clark ne va pas plus loin. Il tient pour la justice immanente de la société économique au milieu de laquelle nous vivons. Le tout est d’éviter que cette justice ne soit point dérangée et faussée.

La Revue de Métaphysique et de Morale a déjà eu occasion d’étudier, en ces matières, les théories de M. J.-B. Clark (septembre 1907 ; vol. XV, pp. 596-619). Mais convenons que, sur les solutions pratiques auxquelles M. J.-B. Clark aboutit, plane un certain mystère, « Jusqu’à ces