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vigoureuse et la plus élaborée. Pour le cardinal Mercier et M. Sentroul le problème de la certitude n’est pas celui d’un pont qui relierait le connu et le réel. Dire que ce pont est nécessaire, c’est dire qu’il est inutile. Dire qu’il en faut un, c’est dire qu’il y a un abîme : c’est ipso facto creuser irrémédiablement cet abîme en le réaffirmant. On ne saurait donc réunir les deux berges de la connaissance par communication mais par contact ou par compénétration. À savoir : par la compénétration du sujet avec du réel et du prédicat avec le sujet. Le problème critériologique « du pont » ne peut être résolu que par suppression. Il s’agit donc de trouver comme sujet une donnée qui soit indivisiblement du réel et de la connaissance, et un prédicat qui soit le sujet par identité. Or il n’y a qu’une seule donnée qui soit indivisiblement et par compénétration du réel actuel et de la connaissance : c’est la réalité de ma connaissance et, du même coup, du moi. Le moi, voilà la base ferme de tous les jugements d’ordre existentiel. En analysant la sensation, en l’interprétant par le principe de causalité, on arrive à établir la réalité de l’objet des sensations. On aperçoit, dans ses lignes générales, la position de la question. Si nous abandonnons l’attitude de l’historien pour adopter celle du philosophe, nous aurions peut-être à faire observer que ce néo-thomisme est simplement un cartésianisme inconséquent. La discussion d’un tel problème excéderait les limites que nous devons nous imposer ; mais nous en avons assez dit peut-être, pour faire apparaitre l’intérêt que présente ce livre vigoureux et, malgré l’aridité inévitable de la forme sous laquelle il se présente, très vivant.

E. Kant. Trois Opuscules Scientifiques : 1. Cosmogonie, 1763 ; II. À propos des volcans lunaires, 1785 ; III. Post-Scriptum, 1791 ; traduits pour la première fois en français et annotés par Félix Bertrand, professeur de philosophie au Collège de Menton, et Étienne Laclavère, professeur d’allemand au collège de Cannes, vol. in-16 de 83 p., Cavaillon, Bouches-du-Rhône, Mistral, 1914. — Kant Ausgewählte kleine Schriften, éditées par le Dr  H. Hegenwald. 1 vol. in-12 de 125 p., Leipzig, Meiner, 1914. — Les deux publications que nous signalons ici peuvent rendre de réels services à l’étude de Kant. Elles se présentent d’ailleurs de la façon la plus simple comme œuvres de vulgarisation. Le texte traduit sous le titre de Cosmogonie est tiré de la seconde partie de l’opuscule de 1763 : l’unique fondement possible d’une démonstration de l’existence de Dieu. Dans le commentaire qui est très clair, à noter, p. 80, une note inédite de M. Puiseux, astronome à l’Observatoire de Paris. La publication allemande est précédée d’une introduction destinée à donner une première idée de la philosophie de Kant : elle comprend les opuscules sur la philosophie de l’histoire, et les articles intitulés : qu’est-ce que l’Aufklärung ? Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? Sur la fin du monde. Sur le problème de la paix perpétuelle en philosophie.

La Psycho-Physiologie de Gall, Ses idées directrices, par le Dr  Charles Blondel. 1 vol. in-16, de 165 p., Paris, Alcan, 1914. — « La sincérité, la foi scientifiques de Gall étaient complètes. Il fut victime d’une idée juste et d’un louable scrupule. » Parti de la crâniologie et de l’organologie, il leur associe étroitement la physiologie du cerveau : c’est pour lui l’étude de la vie psychique envisagée, systématiquement, sous le point de vue de ses conditions organiques, réelles ou hypothétiques. À cette conception il a été amené par ses idées générales sur la continuité de la nature et la spécificité des organes. « L’échelle graduelle des êtres sensibles » s’explique par des « productions cérébrales superposées », elle tient à des additions successives de nouveaux organes. Il s’ensuit que « l’esprit ou l’âme a besoin d’instruments matériels, et que ceux-ci sont multipliés et diversifies, suivant que les facultés de l’âme sont plus variées et plus nombreuses… Les propriétés marchent donc toujours d’un pas égal avec les appareils matériels. » Les penchants et les facultés sont issues et dépendent de l’organisation De quelle partie de l’organisme ? Du cerveau seul, et Gall en donne des raisons très nombreuses. Le cerveau lui-même n’est pas un organe, mais une somme d’organes. Il n’y a pas dans le cerveau de centre commun, de point de concentration de toutes les fibres nerveuses. D’ailleurs, « la pluralité des organes qui sont nécessaires pour un but commun n’exclut pas l’unité de leur action. Ainsi une vie a lieu avec plusieurs organes, et une seule volonté, avec plusieurs instruments du mouvement volontaire. » Donc « les différentes parties cérébrales ont des fonctions différentes à remplir ; la totalité du cerveau n’est pas un organe unique, chacune de ses parties intégrantes est un organe particulier, et il existe autant d’organes particuliers qu’il y a de fonctions de l’âme essentiellement distinctes. » On est ainsi amené