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fait l’instrument essentiel de la synthèse de la sociologie comparée et des sciences sociales abstraites.

La deuxième partie de l’ouvrage est consacrée à montrer la fécondité de cette théorie. La sociologie demande à l’histoire la vérification de ses hypothèses. Mais le concours de la sociologie et de l’histoire rencontre deux difficultés : d’abord l’historien se défie des généralisations du sociologue, qui ne vaincra cette défiance qu’en joignant à la méthode comparative la critique historique la plus sévère, en préférant remonter prudemment du présent au passé, au lieu de se jeter dans les ténèbres de la préhistoire, sous prétexte, de partir de l’élément simple et primitif de la société. La seconde difficulté est la théorie de l’accident historique, qui empêcherait toute généralisation. Mais du moment où l’on accorde que l’historien peut au moins établir des séries d’événements (Xénopol), reconnaissons que toute série serait impossible si les événements étaient de purs accidents, sans généralité aucune, sans caractères qui se répètent. Par cette objection Cournot et Renouvier ont eu d’ailleurs le mérite de poser deux problèmes importants à la sociologie générale : celui de la correspondance des séries historiques et celui du rôle de la volonté dans les faits sociaux. Le premier problème nous ramène à celui des lois sociologiques. On a prétendu tirer de l’histoire une loi de répétition rythmique (Vico) ou au contraire de variation progressive (Condorcet, Comte) ; la sociologie fera la synthèse de ces deux contraires en déterminant ce qui se répète et ce qui varie. Elle acquerra ainsi un certain pouvoir de prévision. L’échec des sociologues sur ce point vient de ce que, trompés par des analogies biologiques, ils ont voulu appliquer une même loi de différenciation à la société en général,









sans distinguer Société et Communauté, La société, le commerce universel, des idées et des produits obéit à une double. loi d’extension et d’accélération, aboutis-,sant plutôt à une sorte d’égalisation démocratique, tout au plus a des rapports de subordination technique (ouvrier et ingénieur). C’est l’histoire de la communauté qui be résume dans la loi de concentra-, tion (État) et de différenciation (communauté indifférenciée de village; o’uvde clan; communautés si diverses ;:poli-. tiques, religieuses, professionnelles, enlutte de nos jours). Or il y a -une corrélation entre ces deux processus dans

un groupe humain, le régime de la communauté primitive tend d’autant, plus à subsister que ce groupe est pluS.rcomplè-


tement séparé ,du: commerce universel des hommes. Ainsi la sociologie générale t possède,- avec sa méthode et son objet, sa loi. Quel est maintenant le caractère ’de cette loi bu des lois sociales en généjal? Ceci >nô,us. ramène au second problème, celui des rapports du déterminisme,1 – :"où, avec. les statisticiens et les anthropologistes, tendent les purs naturalistes (Spencer, Gumplovicz) – avec la volonté et la liberté humaines – qu’avec les:philosophes et les moralistes tendent à affirmer tous ceux qui, à la suite de Tarde, Mill et des criticistes, pensent que l’autonomie de la sociologie suppose celle de J’esprit humain et de la personne humaine à l’égard de la nature et de ses lois. Entre les -deux, Comte et les positivistes. ont une attitude indécise. La

sociologie, pense M. Richard, doit compter et avec les lois naturelles et avec les forces-mystérieuses et indéterminées de l’individualité humaine. Les tendances sociales sont des .lois, non au sens mécanique, contraignantes par le dehors, mais au sens, psychologique, déterminantes par ,1e dedans elles agissent sur l’individu par la-voie de l’habitude sociale ou professionnelle, de l’automatisme psychologique, ou encore en fournissant *un

contenu à la motivation de sa conduite; mais ce ne sont que des, lois tendancielles, c’est-â-dire contingentes, appro..chées, présentant les. intensités les plus variables,, soumises àl’action de la volonté et delà vie intérieure de l’esprit qui est « un puissant modificateur de l’automatisme. ». Un autre modificateur de l’automatisme humain et de la tendance sociale, c’est le milieu naturel,, l’adaptation aux conditions, de l’existence externe; mais on exagéré l’importance de la race,.de ,la classe,, des lois mathématiques de la population; l’adaptation humaine est une adaptation active, où le social réagit, à son tour sur-la nature physique et bio.logique.– Ainsi la sociologie générale

écarte l’explication naturaliste, l’explication par le- matérialisme économique, l’explicatiqn psychologique .abstraite de l’homo.:c~conoinïcus ou-de l’homme moyen. Elle ’a pour objet l’homme vivant, les peuples vivants de l’histoire. Si elle n’est •pas une science comme la mécanique ou les sciences de la nature, elle répond aux trois conditions imposées à toute science généralité; enchaînement causal, preuve. Elle est autre chose qu’un corpus de sciences sociales et ne prétend pas, sous prétexte de sociologie, religieuse, empiéter sur le domaine de la métaphysique et remplacer la théorie de la connaissance. Nous ne chercherons pas si ces critiques