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civil et pénal, économie sociale, philosophie et même esthétique. La multiplicité même des sujets traités nous empêche de songer à un compte rendu critique véritable. Disons simplement qu’un même esprit anime tous ces écrits, qui s’adressent plutôt au grand public qu’aux spécialistes : un esprit de noble inquiétude pour les grands problèmes de notre époque, d’idéalisme affrontant les faits et conscient de l’importance de l’économie, de libéralisme élargi par un sens social incontestable, et entièrement dépouillé de tout individualisme étroit. Cette évolution d’un libéralisme hardi, qui brise entièrement avec le libéralisme économique (p. 261), est très nettement indiquée dans le dernier article (Richesse, Crédit, Capitalisme) où l’auteur voit nettement l’orientation — heureuse à ses yeux — de l’avenir, à la fois dans la diffusion des capitaux et dans le développement des grandes entreprises d’Etat. Le libéralisme doit se faire démocratique, faire confiance au peuple au lieu de se défier de lui. Il se complète aussi d’un humanitarisme intelligent, qui se détache des illusions pacifistes en ce qu’il ne croit pas que puisse être définitive la situation internationale actuelle. — Très propres aussi à détruire certains préjugés, l’étude sur les conditions qui rendent possible le mécanisme des Partis politiques, et l’article sur les causes de la force et de la faiblesse actuelle du Catholicisme. Enfin, au point de vue du droit et de la philosophie juridique, on lira avec profit l’étude où l’auteur assimile la notion de force et de liberté et montre là le point commun des problèmes, d’ordinaire dissociés, de la liberté philosophique et de la liberté juridique et politique : la démonstration de la nécessité du débat judiciaire et du doute pour le progrès du droit ; le rapprochement, contraire aux théories régnantes, que l’auteur fait volontairement, dans l’espoir de les éclairer, entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale.

Psychologie sociale contemporaine, par J. Maxwell. 1 vol. in-8 de viii-363 pp., Paris, Alcan, 1911. — Qu’on ne s’y trompe pas, ce livre n’est nullement un livre de psychologie, on n’y trouve ni tentative de méthode scientifique, ni documentation, ni même de problèmes psychologiques. C’est un essai sur la situation présente de notre monde occidental, un livre d’impressions personnelles et de vœux. Un tel livre ne peut valoir que par la personnalité de l’auteur, l’originalité ou la profondeur de ses vues. Il ne vise pas à l’originalité, il prétend à la vérité. C’est un cri d’alarme, un appel à la société présente pour qu’elle se ressaisisse, comme un livre de Le Bon ou de Deherme, mais sans la foi du second ni la vigueur du premier. — L’auteur décrit d’abord l’instabilité universelle, caractéristique, à ses yeux, de nos sociétés modernes : instabilité morale et religieuse (décadence des religions, incertitude du devoir moral, ébranlement des bases anciennes : famille, mariage, propriété) ; et instabilité économique : (sous ce nom on trouve assez étrangement mêlés des paragraphes sur la concentration urbaine, l’augmentation du prix de la vie, la « verbiculture » démagogique, l’esprit grégaire, l’ignorance et la crédulité des foules, les abus des syndicats, l’anarchie envahissante). Les forces en conflit dans ce chaos sont d’abord des forces de conservation, de plus en plus impuissantes : la religion, la morale, la famille, ruinée par sa laïcisation même, la propriété, qui, élément de conservation, si elle était répandue, diffuse, devient un élément de dissolution par sa concentration progressive ; enfin l’État, où le Législatif, réformateur hardi en apparence, est en réalité conservateur routinier, où la magistrature est discréditée, où l’Université se laisse envahir par la Béotie primaire et par le syndicalisme. Les forces de destruction sont, au contraire, considérables : l’irréligion et le manque d’idéal, l’amoralité, le matérialisme, les erreurs que le machinisme engendre dans l’esprit ouvrier, la dissociation de la famille par l’atelier, la dissociation du Capital et du Travail, l’internationalisme croissant, le triomphe de l’anarchie et de la violence révolutionnaire, l’impunité des délits de presse, la provocation aux pires attentats traitée comme délit d’opinion. Quant aux prétendues forces de reconstruction (socialisme, syndicalisme, anarchisme), elles ne sont que candeur et naïveté. — Jusqu’ici nous n’avons, semble-t-il, guère qu’un ouvrage de lutte sociale, où, contre l’anarchie envahissante, l’auteur demande à la société plus de vigueur, moins d’humanitarisme amollissant, et plus de décision à intensifier la répression. Mais la lutte ne suffit pas. M. Maxwell se montre par endroits sympathique aux maux dont s’exaspère le prolétariat socialiste. Il faut les atténuer, dit-il, sinon les guérir. Bien que le mot ne soit pas, semble-t-il, prononcé, il semble incliner vers une participation de l’ouvrier aux bénéfices. Mais pour discerner les conservations indispensables des sacrifices nécessaires, il nous invite à estimer les diverses valeurs sociales. La