Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 4, 1912.djvu/4

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tulée l’objet de l’éducation porte sur la formation logique et psychologique de l’enfant, formation logique par laquelle on enseigne au sujet le but de la vie et on lui fournit les connaissances les plus favorables à son accomplissement ; formation psychologique qui tend à exercer et à développer l’appareil psychologique en vue de la meilleure réalisation du but (p. 274). Ces deux formations sont d’égale importance. Dans le développement de la volonté l’auteur fait une large place à la contrainte, à la condition que celle-ci soit appuyée de tous les arguments propres à la faire comprendre et accepter par l’enfant. — Dans la formation du caractère affectif, M. Cellérier distingue la formation particulière qui se fonde sur le but spécial que se propose l’éducateur, et la formation générale qui se fonde sur la fin théorique de toute éducation. La formation particulière agit de trois manières : par la substitution des tendances, par l’expression des mouvements affectifs, par la représentation ; la formation générale agit par l’enseignement de l’observation de soi-même et par l’endurcissement psychologique qui consiste à placer la raison de l’enfant en présence de mouvements affectifs assez faibles pour qu’il en reste le maître, assez intenses pour provoquer chez lui un effort (p. 322).

M. Cellérier étudie ensuite la formation logique, très importante puisqu’il n’est pas d’opération pédagogique rigoureusement indépendante de l’acquisition de connaissances nouvelles. Que faut-il donc enseigner, et quand faut-il l’enseigner ? (p. 325). Le choix des études se déduit de deux données : l’héritage social, c’est-à-dire l’ensemble des connaissances humaines au moment où se réalise l’éducation, et l’utilité relative de chaque enseignement, c’est-à-dire son rapport avec le but particulier que l’éducateur s’est fixé : dans ces données il est aisé de voir que sont indirectement impliqués la nature du sujet et le milieu. C’est encore l’utilité relative qui détermine l’ordre de l’enseignement : elle opère une première sélection entre les matières à enseigner, remettant à plus tard ce qui n’est pas indispensable dans toutes les situations que pourra occuper l’enfant : une fois commencée, cette sélection ne s’arrêtera plus jusqu’à la fin de l’éducation. L’ordre des études est également subordonné à l’enchaînement logique des matières enseignées : tout enseignement qui s’appuie sur une science (par exemple : l’étude de l’algèbre sur l’arithmétique) doit être précédé d’une étude préparatoire de cette science. Tout l’enseignement doit être dominé par la méthode de spécialisation progressive qui consiste à mettre d’abord l’enfant en possession des premiers éléments nécessaires de toute instruction ; ensuite, au lieu de s’attaquer immédiatement à une étude spéciale, « on restera également général dans toutes les branches » : même si on doit se rapprocher graduellement du particulier, on n’enseignera à l’élève que des connaissances générales ; à ce second degré de culture générale on en fera succéder d’autres encore s’il y a lieu, en se rapprochant progressivement du particulier, en resserrant de plus en plus les cadres : l’avantage de cette manière de procéder « par cercles concentriques » a l’avantage de faire reparaître à chaque étude nouvelle les éléments les plus généraux ; de la sorte « plus une notion est générale, plus elle est à l’abri du déchet » : c’est l’idéal de l’instruction qui ne consiste pas dans l’accumulation d’un chaos de faits isolés, mais vise à la possession de vue d’ensemble, à la diminution du particulier : « à utilité égale le général doit être conservé, le particulier écarté » (p. 372). — M. Cellérier se demande pour finir si l’État a un rôle pédagogique, et il répond négativement à cette question (p. 378-9).

Comme tout bon livre d’étude, celui de M. Cellérier est divisé en paragraphes et accompagné d’un index très complet ; ses qualités de clarté, de simplicité, de bonhomie sont essentiellement didactiques ; nul pédantisme dans ce livre où l’on entend parler un « honnête homme », dont la conversation est pleine d’observations pratiques, de comparaisons heureuses et familières (parfois un peu hardies ; ex. p. 128 : la nature de l’homme, ce n’est pas une tabula rasa dans un corps d’animal) et qui ne craint pas de heurter les idées reçues quand elles lui paraissent fausses ou exagérées : c’est ainsi que M. Cellérier admet la légitimité des châtiments corporels dans certains cas et dans une certaine mesure (p. 265) et qu’il se prononce nettement pour qu’un enseignement religieux soit donné à l’enfant (p. 39). Il convient de louer, à la suite d’ailleurs de la Commission du prix Crouzet, le parfait enchaînement logique des idées de M. Cellérier.

Essais de Philosophie sociale, par Maurice Vauthier. 1 vol. in-8 de 413 p., Bruxelles, Lamertin, Paris, Alcan, 1912. — C’est un recueil d’articles publiés dans diverses Revues, particulièrement dans la Revue de l’Université de Bruxelles, et sur les sujets les plus variés : droit public, histoire politique contemporaine, droit