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sent, chez tout un groupe d’hommes, un relèvement subit des énergies mentales. Curieux de les étudier dans l’histoire ou dans les récits de ses contemporains, James ne pouvait laisser échapper une occasion de les observer lui-même. Aussi le voyons-nous noter avec grand soin les réactions produites sur lui et sur les Californiens par le tremblement de terre de San Francisco : désastre qui suscita sur-le-champ une singulière dépense d’activité tranquille (IX. On some mental effects of the earthquake). Mais la grande source d’héroïsme dans le passé fut la guerre. De là, pour le pacifiste tout à fait résolu qu’est James, le besoin pressant de trouver à cette vieille habitude de l’humanité un succédané moral dans la vie civique : James n’hésite pas à conseiller une conscription générale de la jeunesse, chargée d’exécuter les besognes les plus rudes (XI, The moral equivalent of war).

Enfin, les institutions universitaires ne pouvaient manquer d’être jugées dans un esprit analogue. À quoi sert l’éducation dans les collèges, sinon à développer ce sentiment des vraies supériorités humaines si nécessaire à l’avenir moral d’une démocratie ? (XIII, The social value of the college bred). On ne s’étonnera pas de voir James lutter contre l’esprit de club aussi bien que contre l’engouement dont les collèges américains se prennent pour les titres universitaires, rappeler aux Universités, leur vraie mission, qui est d’ouvrir le champ le plus vaste aux initiatives intellectuelles (XIV, The Ph. D. Octoful. The True Harward Stanford’s ideal destiny).

Le dernier article du recueil, consacré à Benjamin Blood, n’ajoute rien à l’idée que James nous avait donnée de son propre pluralisme (XV, A pluralistic mystic). Mais, encore une fois, ce ne sont pas les défauts d’un système que l’on peut découvrir ici. Pour répondre à ce besoin-là, M. Henry James nous doit un autre volume, où il réunirait, par exemple, certains articles importants que son père avait publiés dans le Journal of Philosophy, et qu’il n’a pas recueillis dans the Making of Truth. Memories and Studies nous donne moins et plus : nous y voyons s’affirmer à l’occasion de faits concrets une activité toujours avide de discerner, de libérer et d’accroître, sous quelque forme qu’elles se présentent, les véritables valeurs humaines.

Body and Mind. A history and a defence of animism par William Mac Dougall. 1 vol. in-8 de 379 p., Methuen, London. — M. Mac Dougall s’est proposé d’abord de renseigner le lecteur sur l’état des controverses entre spiritualistes et parallélistes et sur les arguments employés dans la discussion, et aussi de faire voir qu’on peut et même qu’on doit en restant sur le terrain des faits, croire à l’existence de l’âme. L’animisme dont il parle, c’est donc ce qu’on entend communément par spiritualisme. La première partie du livre est consacrée à l’histoire de la conception de l’âme et à l’histoire du spiritualisme depuis les sauvages jusqu’aux temps modernes ; il n’y a pas lieu d’y insister ; elle est faite, l’auteur nous le dit lui-même, d’après des livres de seconde main. Dans la deuxième partie, on trouve analysés les arguments qu’on oppose ordinairement à l’animisme. Puis vient une classification et une discussion des principales théories de l’automatisme : l’épiphénoménisme, le parallélisme, le monisme psychologique pour lequel la nature est l’ombre projetée par les âmes, le parallélisme phénoméniste qui représente le corps et l’esprit comme deux aspects d’une même réalité. M. Mac Dougall insiste sur le fait que la métaphore des deux aspects ne peut s’appliquer à la relation du corps et de l’âme mais son argument semble plus curieux que vraiment convaincant. Toutes les formes du parallélisme, ajoute-t-il, ont certains vices communs ; tous les événements devraient avoir un aspect psychique ; de plus, le parallélisme ne peut expliquer l’harmonie du règne des fins et du règne des causes. Après cet examen, M. Mac Dougall étudie les arguments qu’on oppose à l’animisme ; il ne conçoit pas en effet qu’il y ait une troisième doctrine, différente et du parallélisme et du spiritualisme. Que valent donc ces arguments ? On dit qu’une interaction psycho-physique est inconcevable ; mais nous savons depuis Hume, répond-il, que l’interaction physique est également inconcevable ; reprendra-t-on l’argument en disant qu’on ne doit pas mêler le non-spatial et le spatial ? Mais qui nous dit qu’il n’y a pas un substrat commun aux deux ? Objecte-t-on la loi de la conservation de l’énergie ? Mais certains physiciens modernes, Maxwell par exemple, ont montré, en reprenant la conception de Descartes, qu’il se peut que l’esprit guide le corps sans agir à proprement parler sur lui ; de plus on peut concevoir que l’esprit se borne à retenir un instant l’énergie potentielle ; au fond, d’ailleurs, la loi de conservation n’est qu’une induction ; l’appliquer au monde psychique, c’est appliquer à un système qui n’est pas clos une loi valable pour les systèmes clos ; bien plus, le mot de « physique » lui-même, ne peut être rigoureusement défini. Les arguments