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premier, parce que le vivant est un individu au développement concret ; le second à cause de l’importance des phénomènes d’habitude, de fatigue, d’hérédité, de mémoire du sens très large que donne Hering à ce mot. Non pas que la mémoire soit absente du monde inorganique : le mécanisme se contente d’en faire abstraction, et voilà pourquoi l’acceptation du vitalisme n’implique pas un dualisme exclusif de l’unité de la nature (p. 1-8).

La seconde, de M. Oscar Ewald, traite d’Erkenntniskritik und Erkenntnistheorie (p. 11-35) : c’est une subtile et profonde étude librement inspirée de l’esprit de la nouvelle école de Fries. La théorie de la connaissance se contente d’accepter et d’enregistrer les catégories comme des faits, la critique de la connaissance voudrait les déduire à priori par là décider de leur valeur. Mais on ne peut les déduire que de quelque chose de plus général et de plus abstrait qu’elles ; et ce ne peut être que du principe de contradiction et du principe de causalité au sens le plus large du terme. Or M. Ewald montre (p. 19) qu’on ne peut absolument rien tirer du principe de contradiction, sinon par de fausses subreptions ; en particulier c’est tout à fait en apparence que Kant déduit de la logique formelle les catégories mathématiques, en réalité sa logique formelle contient déjà toute l’armature conceptionnelle de la mathématique et suppose l’intuition (p. 23). — De même les catégories ne sauraient être déduites du principe des lois ou principe de la possibilité de l’expérience, comme le veulent Kant et les néokantiens : « par là, remarque finement l’auteur, la déduction des catégories revêt un caractère finaliste, théologique ; les catégories sont déterminées, non plus par leur point de départ, la logique formelle, mais par leur fin, la possibilité de l’expérience », c’est-à-dire, au fond, la possibilité de la physique mathématique : ce qu’on appelle expérience dans cette école, ce n’est que la possibilité de créer et de déterminer des grandeurs mathématiques. On prétend déduire la causalité de la possibilité de l’expérience, et l’on n’entend rien par expérience sinon précisément la connexion de la cause et de l’effet : tout le raisonnement n’est qu’une pétition de principe où l’on suppose ce que l’on croit prouver. « Les catégories ne peuvent pas plus être déduites du principe de la possibilité de l’expérience qu’elles ne peuvent l’être de la logique formelle » : elles ne peuvent aucunement être déduites a priori et logiquement, mais bien empiriquement et a posteriori (p. 31), non pas de l’expérience externe, mais de l’expérience interne, de la réflexion sur la manière dont la pensée élabore les impressions sensibles ; les catégories sont des faits ultimes de la raison, des données de fait, M. Ewald se défend du reproche d’être un psychologiste, en montrant que même les aprioristes les plus décidés ne déduisent pas le principe d’où ils déduisent les catégories, mais le donnent pour une connaissance immédiate de l’expérience interne (p. 32). C’est toujours dans l’expérience interne qu’on découvre les catégories : le « Connais-toi toi-même » est le principe de toute recherche et de toute connaissance théoriques.

Le professeur Adolf Stöhr traite ensuite du Zeitproblem, et s’efforce d’éliminer les restes d’une métaphysique qui s’ignore et de faire la critique de la pensée métaphorique. Il appelle toute impression faite dans la mémoire par le temps et conservée dans le temps, produit du temps ou chronogon ; il montre que le temps en lui-même ne peut s’imprégner dans la mémoire (p. 43) et que toutes les évaluations de la durée faites de mémoire sont des opérations faites non pas sur le temps véritable, mais sur des sensations de fatigue, sur des faisceaux de souvenirs, sur des représentations limites chronogonométriques ; par ces opérations nous









partageons les faisceaux de souvenirs en groupes qui sont des chronogons présents. Unsere sogenannte ZeUpsychologïè, conclut-il est nirM echté ZeitpsychoUigie sondeni Chrpnagonenpsychohgie » (p. SO). On lira avec profit cette étude, dense et profonde, mais souvent obscure, que nous ne pouvons résumer plus longuement. Le D’Haks Przibraji, zoologiste, se pose, à propos de la conférence ci-dessus analysée de M. Siegel sur le vitalisme, la question Lebenskraft oder Lebemsto/fet Force vitale ou matières vivantes’? Il montre que les arguments de Siegel ne tiennent pas, notamment qu’il y a dans la chimie des phénomènes irrèsistibles(p. 62), que les lois biologiques comme les lois physiques possèdent’une généralité abstraite, et que le physicien comme le biologiste est obligé de tenir— compte des circonstances qui dans un cas concret empêchent une loi donnée de valoir, M. Przibram critique ensuite avec force les vitalismes divers de Driesch et de Schneider ; il conclut qu’il n’y a pas lieu d’introduire une force vitale supraphysique qu’on peut seulement admettre, comme Ostwald, une énergie vitale semblable aux autres énergies, et qui serait convertible en ces énergies connues (eba-