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morale : La vertu vaut parce qu’elle sert à réaliser la perfection de la vie ; et d’autre part la perfection de la vie consiste dans l’accomplissement normal de toutes les fonctions, c’est-à-dire dans l’exercice de la vertu.

H.-H. Schroeder : L’estime de soi et l’amour de la louange comme principe de conduite. — Ce développement, plus littéraire que philosophique, amène son auteur à conclure que ces sentiments ne peuvent donner une direction vraiment morale à l’individu que s’ils s’attachent à des objets dont le choix est déjà un jugement moral.

Alfred W. Benn : La morale d’un immoraliste. — M. Benn termine ici l’étude de la morale de Nietzsche qu’il avait commencée dans le numéro d’octobre. Après avoir remarqué qu’il n’y a point à proprement parler en Allemagne, jusqu’à Nietzsche, de vrai moraliste, il s’efforce de retracer la genèse de l’idée du surhomme : il croit pouvoir constater que l’optimisme caractéristique de Zarathustra prit possession de l’esprit de Nietzsche pendant sa vie de soldat en 1870, et quand il eut étudié plus à fond la qui littérature grecque ; puis que, vers 1878, le spectacle de l’abaissement moral des pays allemands transforma cet optimisme en un effort vers la production d’une certaine sorte de culture morale, du génie supérieur, considérée comme une fin universelle. Nietzsche hésite à ce moment sur la nature de cet idéal, le concevant tour à tour comme une race d’hommes supérieurs, puis comme un individu supérieur. M. Benn affirme que, quand Nietzsche écrivit Zarathustra, il se représentait le sur-humain, à la manière d’un transformiste, comme une variété nouvelle, l’espèce homme, qu’une sélection artificielle devait faire sortir de l’homme actuel. Pourtant cette idée aurait pris dans l’esprit de Nietzsche moins une forme darwinienne, naturaliste, qu’une forme logique, hégélienne : le nouveau type sort de l’ancien parce que celui-ci perçoit, comme une sorte de contradiction interne, sa propre dégénérescence.

William M. Urban : The will to make-believe. — M. Urban présente un essai de psychologie de la croyance volontaire, et la justification de tout effort de l’individu pour se créer une illusion établie, si cette illusion doit être moralement féconde, parce qu’en tout état de cause croire vaut mieux que ne pas croire. La condition de cette fécondité pratique est que l’acte de foi soit une adhésion « de toute l’âme ». L’auteur remarque que toute notre vie consciente peut être considérée comme constituée par des croyances plus ou moins artificiellement maintenues dans l’esprit, et qu’en particulier la conscience que nous avons de notre moi pourrait bien n’être que le résultat d’un processus par lequel « l’enfant, en jouant à être un moi de plusieurs sortes, devient finalement son moi particulier ».

Carl Heath : La responsabilité des criminels. — L’examen de cette question n’est qu’un prétexte, chez l’auteur, pour s’élever contre l’idée, avancée par certains théoriciens, comme le Dr  Hollander, qu’une plus grande influence des médecins sur les conditions physiologiques de la génération, de l’hérédité, de la naissance, de l’éducation, réduirait le nombre des criminels accidentels et même celui des criminels-nés.

Avril 1909. — Norman Wilde : Du sens de l’idée d’évolution en morale. — M. Wilde s’efforce de montrer quelle chance d’erreur comporte toute comparaison entre l’évolution morale et l’évolution organique : car l’évolution morale est modifiée, aussi bien en direction qu’en vitesse, par la mise en œuvre de certaines vues idéales qui ne sont pas seulement des produits de l’évolution antérieure, mais qui renferment quelque chose de plus ; bien loin que l’on puisse considérer comme suffisante l’explication évolutive de nos jugements moraux, ce sont au contraire nos jugements moraux qui expliquent l’évolution.

MacGregor : De quelques aspects moraux de l’industrialisme. — On voit dans un certain nombre de faits sociaux qui ont leur origine dans le développement de l’industrialisme — organisations solidaristes, ententes entre employeurs et employés, etc. — les signes d’une transformation morale qui tend à rapprocher les classes d’une manière plus efficace que toutes les révolutions politiques. Malheureusement cette transformation morale ne marche pas de pair avec les changements économiques, et c’est ce qui cause les multiples conflits auxquels nous assistons. L’équilibre ne peut se produire que par une réforme plus rapide des esprits individuels, dont le progrès moral dépend d’ailleurs du progrès religieux.

Dans un article sur Les tentatives de justification de la corruption politique, qui se sont récemment produites en Amérique, M. Robert, C. Brooks examine sans parti pris si vraiment l’on peut prouver que les faits de corruption présentent, comme on le dit, de réels avantages sociaux : il montre qu’aucun des avantages énumérés par des théoriciens à courte vue n’est solide, et qu’en