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oppose avec une rare vigueur polémique aux tendances prépondérantes de la philosophie contemporaine. Il faut se garder d’isoler de ce vaste ensemble la Philosophie de la Pratique, si l’on veut en saisir le sens et la valeur. L’ouvrage se divise en trois parties : 1e l’activité pratique en général, considérée dans ses relations, dans sa dialectique et dans son unité avec l’activité théorique (213 p.) ; 2e l’activité pratique dans ses formés spéciales : économique et éthique (116 p.) ; 3e les lois (82 p.). D’une manière générale, on peut y distinguer un double aspect : la critique négative et la construction positive.

Croce combat toutes les tentatives philosophiques fondées sur la considération des sciences positives, en particulier de la psychologie et de la sociologie. Il repousse le concept de sciences pratiques ou normatives, ayant pour base l’idée de finalité et les jugements de valeur. Il ne peut souffrir que l’on prenne les concepts empiriques pour des concepts philosophiques. « Le pire des maux, dit-il, c’est d’aborder les questions empiriques pour les résoudre philosophiquement. En prenant parti, la philosophie ruine et soi-même et les questions empiriques, car elle perd la sérénité, la dignité, et l’utilité qui lui est intrinsèque ; de même que les disciplines empiriques ruinent et soi-même et la philosophie, quand elles prétendent philosopher avec leurs classes qui ne sont pas des catégories, avec leurs pseudo-concepts qui ne sont pas des concepts, avec leurs généralités qui ne sont pas universelles » (p. 97-99).

Croce a pour postulat que le réel est rationnel et le rationnel réel, que l’esprit ne peut se tromper de bonne foi, mais qu’il porte en soi la source de la vérité. « La méthode philosophique exige l’abstraction complète des données empiriques et de leurs catégories, et le recueillement dans l’intimité de la conscience, pour fixer en ce seul point le regard de l’esprit » (p. 6). Cette méthode aboutit à ne reconnaître dans l’activité pratique que deux termes en présence : d’une part, le fait brut, qui est l’affirmation et la situation individuelles, d’autre part, l’esprit pur, qui est la pensée et la volonté de l’universel. Au contraste de ces deux termes correspond la distinction de l’économique et de l’éthique, ou de l’utile et du moral. L’activité économique est posée comme une forme autonome d’activité spirituelle. L’utile est amoral et prémoral ; il soutient avec l’éthique le même rapport que l’esthétique avec la philosophie. Le moral est, au contraire, profondément utile. L’utile devient moral, dans la mesure où il s’identifie avec l’universel et l’éternel. Par loi Croce entend un acte volontaire qui a pour contenu une série ou une classe d’actions, acte volontaire de forme individuelle aussi bien que sociale : un programme de vie personnelle est une loi que l’individu s’impose à lui-même. La loi, en tant que volonté du général, est irréalisable ; mais elle sert à orienter l’acte individuel. Activité juridique est synonyme d’activité économique.

Les idées de Croce contiennent une part de vérité, souvent méconnue, et qu’il était opportun de remettre en lumière. Mais on peut regretter que, par réaction, elles se présentent sous une forme systématique et polémique si intransigeante. La philosophie inductive peut faire valoir que l’idéalisme ontologique, en ayant l’air de faire fi de la réalité scientifiquement déterminée ou de la réalité pratiquement posée comme idéal concret, court le danger de se perdre dans une spéculation stérile, où les purs concepts formels reçoivent leur contenu de pures intuitions personnelles. Il semble bien que, dans la pratique positive comme dans la connaissance positive, ce sont précisément les concepts empiriques, les idées que l’expérience impose à l’esprit et par lesquelles l’esprit s’impose ensuite à l’expérience qui ont une valeur effective et qui font les grands actifs comme les grands savants. C’est par ces idées expérimentales que l’action individuelle acquiert une signification et une portée, qu’elle opère le passage de l’utilité égoïste à la moralité universelle et qu’elle se met en état d’actualiser dans le temps l’éternel. L’activité pratique tout entière, comme F. Rauh l’a bien montré de la vie morale, est une manière d’expérimentation, où le fait et l’idée sont dans une réaction réciproque perpétuelle. Que penser d’une philosophie de la pratique qui ne tient pas compte de l’expérience et de l’idée pratiques ?

La legge sul divorzio in Italia, nelle sue molteplici questioni, religiose, etiche, giuridiche, storiche, fisiologiche, sociale, par le prof. Pasquale Pennacchio ; 1 vol. in-8o, de 400 pp. Rome, Bretschneider, 1908. — En dépit de son titre, cet ouvrage n’est au fond ni une étude juridique sur la loi du divorce, ni une étude de sociologie objective sur ses effets. C’est une charge à fond de train ( « le mariage et le divorce, dit l’auteur p. 5, ne sont plus deux thèses, mais deux armées » ) contre le divorce considéré comme la plus directe dynamite lancée au milieu de la vie sociale »