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remplissent la plus grande partie de cet ouvrage (p. 1-178) ; et comme elles enferment une théorie de la pensée, une théorie du sentiment, et une théorie du langage, on peut penser qu’elles sont encore trop condensées, trop abstraites, trop éloignées des questions réelles. Comme résumé c’est trop long, comme exposé c’est trop court. De plus, on ne saurait pas dire si l’auteur parle en physiologiste ou en logicien ; presque toujours son développement a l’allure d’une « fausse déduction », c’est-à-dire d’un raisonnement fondé seulement sur les mots ; beaucoup de philosophes, surtout dans leurs travaux de jeunesse, opèrent ainsi imprudemment sur des concepts auxquels manque une intuition qui leur corresponde ; et quoique cela vaille encore mieux que l’empirisme incohérent de beaucoup de psychologues, il faut néanmoins s’en défier. Ainsi, lorsqu’on lit la première partie de l’ouvrage dont nous parlons, on a presque continuellement l’impression d’un immense effort dialectique, qui aboutit à des formules beaucoup trop simples. Nul ne croira que notre vie mentale puisse être expliquée ou seulement éclairée par une série de ce genre : fin… fin-moyen… moyen… Fin… fin-moyen… moyen, etc.

Quant à l’analyse du rythme de la prose, qui forme la seconde partie de l’ouvrage, elle diffère complètement de la première ; nous sommes alors jetés dans une multitude d’exemples, c’est-à-dire de phrases scandées, et représentées par des schémas et des formules. Et ici, le lecteur sera tenté de nier purement et simplement ; en vérité on dirait que l’auteur a découpé arbitrairement les phrases qu’il cite. Il nous donne dix exemples de rythme ternaire ; voici le premier (p. (251) : On tire ce biende la perfidie des femmesqu’elle guérit de la jalousie. Il plaît à l’auteur de couper cette phrase en trois morceaux ; j’en conclus qu’il lit mal ; et ce n’est qu’une opinion ; mais elle vaut la sienne.

Aristote, Physique, II ; traduction et commentaire, par O. Hamelin. 1 vol. in-8 de 172 p., Paris, Alcan, 1907. — M. Hamelin est considéré à juste titre comme celui des historiens français qui connaît le mieux la philosophie d’Aristote. M. Rodier se réclame de lui, et, seul en Europe, M. Diels possède sans doute une érudition aristotélicienne plus étendue. Le travail que M. Hamelin nous donne peut, dans sa simplicité voulue, passer pour un modèle d’un genre ingrat, mais utile entre tous. La traduction, comme on pouvait s’y attendre, est de tout point excellente. Non seulement elle est aussi littérale que possible, mais elle réussit presque partout à montrer l’enchaînement des idées, souvent difficile à découvrit au premier abord. M. Hamelin fait — selon la méthode que M. Rodier avait suivie dans sa traduction du Traité de l’âme — de rares additions explicatives entre crochets. La fidélité scrupuleuse de la traduction suffit souvent à montrer la clarté véritable du texte d’Aristote.

Le commentaire se distingue de la plupart des travaux analogues, par l’absence de tout étalage d’érudition. Il ne donne que les explications utiles, et il donne presque toutes les explications utiles. Il est honnête, c’est-à-dire qu’il éclaircit précisément les endroits difficiles. Quelques-unes des explications de M. Hamelin méritent d’être signalées spécialement, par exemple p. 76-82 : sur la distinction de la physique et de la philosophie première ; p. 84 : sur le sens du mot modèle (παράδειγμα) chez Aristote ; p. 98 sur les causes premières et l’emploi du terme premier ; p. 120 : sur le hasard ; p. 164 : sur le syllogisme mathématique.

M. Hamelin déclare lui-même, dans son avant-propos, que l’édition n’est pas complète. L’indication des travaux récents manque entièrement. Zeller, Trendelenburg et Rodier sont seuls cités (Zeller, d’après des éditions anciennes et d’après la traduction française). Il est vrai que les commentaires modernes, en général, ne sont guère instructifs, en ce qui touche Aristote. Il y aurait aussi beaucoup à faire pour établir un texte définitif da la Physique. L’édition Rantl, qui n’a pas été remplacée, est insuffisante, comme l’a montré le Simplicius de Diels. Il faut espérer que M. Hamelin nous donnera un jour ce travail, pour lequel il est, mieux que personne, préparé.

Les Réminiscences de Philon le Juif chez Plotin, par H. Guyot. Brochure in-8 de 92 p., Paris, Alcan, 1906. – L’auteur cherche à prouver que Plotin a connu directement les écrits de Philon. Il n’est pas étonnant de trouver des ressemblances entre Plotin et Philon, puisque tous deux ont mis à profit les philosophes grecs qui les ont précédés ; puisque Plotin a connu Numénius et Ammonius Saccas qui ont lu Philon. Mais en tenant compte de ces causes de similitude on trouve dans les écrits de Plotin un assez grand nombre de passages qui, par le sens ou la lettre, rappellent tellement Philon, qu’un peut à bon droit, suivant l’auteur, les considérer comme des réminiscences. L’auteur cite un certain nombre de textes de ce genre qu’il rapporte à trois doctrines importantes, celle de l’infinité divine, celle des puissances intermédiaires et celle de l’Extase.