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n’y a qu’une seule physique, que la théorie n’est qu’un moyen d’exposition, ne portant pas sur le fond, que le progrès de la physique doit conclure à une théorie une de la physique. Il m’a donc semblé que les savants en question ont précisé les conclusions de leurs prédécesseurs, mais ne les ont pas abandonnées.

M. Boutroux. Je voudrais vous demander en quoi, si le mécanisme est appelé à triompher, l’objectivité de la science en sera mieux assurée ? et pourquoi l’énergétisme compromettrait cette objectivité ? Je ne vois pas bien pourquoi vous attribuez au mécanisme cette supériorité. Les symboles mécanistes, pas plus que les symboles énergétiques, n’ont la prétention de représenter le fond des choses. En quoi donc le mécanisme assure-t-il mieux la valeur objective de la science ?







M. Rey. Je n’ai jamais dit que le mécanisme assurait mieux la valeur objective de la science que l’énergétisme ; je pense au contraire que l’un et l’autre l’assurent également. La question d’objectivité ne se pose pas. J’ai seulement soutenu que le mécanisme fournissait un mode de traduction et de représentation plus clair et plus satisfaisant pour l’esprit que l’énergétisme. Le mécanisme me semble mieux adapté aux conditions psychologiques de notre connaissance. M. Boutroux. Quel est le rapport de la philosophie à la science ? M. Rey. La philosophie doit être la servante de la science elle a pour but essentiel de créer autour de la science l’atmosphère qui lui convient. M. Lévy-Brùld. Vous êtes tantôt historien, tantôt critique des théories que vous exposez, tantôt philosophe. D’où une certaine incertitude, qui tenait peut-être d’ailleurs à la nature de votre sujet. Vous me semblez vous être proposé un double but. 1° Vous avez l’intention de montrer que les néopositivistes (Le Roy, etc.) se sont trompés ; 2° vous voulez faire voir que la théorie énergétique de la physique présente plus d’inconvénients qu’un mécanisme élargi. Les premiers, les néo-positivistes, sont des adversaires cachés que vous visez souvent ; les seconds sont les adversaires visibles que vous critiquez ouvertement. Souvent les deux intentions se mêlent d’où un balancement dans votre thèse. Vous avez voulu au fond ruiner la thèse des néopositivistes, en montrant qu’elle n’existe pas, la physique nouvelle sur laquelle s’appuierait leur dialectique. Mais je crois que, de même que les néopositivistes ne peuvent rien tirer du désaccord des physiciens sur leur dialectique, de même vous ne pouvez rien tirer de l’accord des physiciens pour une philosophie qui est la vôtre. Ces questions philosophiques laisseraient les physiciens parfaitement indifférents. Croyez-vous que l’accord témoigne en faveur de vos thèses philosophiques ? M. Bey. Les physiciens sont d’accord sur ceci : que tout ce qui est expérimental est objectif, s’impose universellement. D’où j’ai cru pouvoir conclure qu’il n’y avait qu’un critérium de vérité, l’expérience. L’expérience est la seule façon de connaître la nature. M. Lévy-Brûhl. Mais qu’est-ce que l’expérience ’? M. Rey. C’est ce qui rallie le consentement universel, ce que je ne puis changer, ce qui s’impose nécessairement à moi. Voilà la limite qui m’impose les règles que je dois suivre dans ma connaissance de la réalité. M. Boutroux. Et la vérité de demain ? M. Rey. Ce qui était erreur dans ma connaissance, c’est ce qu’elle contenait d’ajouté à l’expérience, et non ce qui était expérimental. M. Lêvy-Brùhl. Le réel, pour vous, ce sont des relations. Ce qu’il y a de vrai, ce sont les relations. La copie de ces relations se fait dans l’esprit ? M. Rey. Ce qui s’établit, c’est une adaptation. M. Lêvy-Brûkl. Les physiciens n’ont pas l’habitude de faire de la philosophie ; quand ils en font, ils paraissent dire souvent ce qu’ils n’ont pas voulu dire. Souvent, à peu de temps d’intervalle, ils se contredisent. Voilà bien de la complexité et bien des oppositions. Dans votre ouvrage, par contre, l’accord paraît bien grand, entre les idées de ces physiciens, telles que vous les exposez. M. Rey. Précisément, parce que ma tâche était d’essayer de dégager ce qu’il y avait, sous l’imprécision et la diversité des formules, d’essentiel et de constant dans la pensée de ces physiciens. M. Lévy-Brûhl. Vous préférez le mécanisme, parce qu’il recourt à une représentation de mouvement ? M. Rey. Je préfère le mécanisme, parce qu’il faut, selon moi 1" une représentation 2° une représentation de mouvement. De mouvement, pourquoi ? Parce que, comme le remarque Boussinescq, nous avons surtout des représentations visuelles. Peut-on représenter une variation, un changement, autrement que par un mouvement

? Je crois que notre perception 

est organisée de telle sorte actuellement que dans toute perception il y a un élément de mouvement. D’où la prédominance du mouvement dans notre repré-