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assimilation. L’abstraction est stérile. Nous retrouvons seulement le fait privilégié dans des faits en apparence très différents. Je vais vous présenter quelques observations sur chacun de ces points. 1° Le plus connu serait le plus anciennement acquis. Or vous vous ralliez à une explication mécaniste des phénomènes. Mais le mécanisme date du xvie siècle seulement ; auparavant la physique a été essentiellement qualitative. Le mouvement est le résultat d’une longue élaboration intellectuelle du donné ancien. En posant le mouvement comme élément d’explication, vous partez d’une notion en partie fabriquée par l’intelligence. 2° L’acquis le plus ancien serait le concret particulier. Vous ne restez pas toujours fidèle à votre principe. Quand vous parlez de la loi du rythme (page 30), vous en venez à des assertions difficilement conciliables avec ce point de départ. L’empirisme est une doctrine métaphysique très artificielle ; en a eu l’idée de la table rase : à un esprit, sont données des choses singulières, des individus. Les faits sont conçus comme de telles individualités. La connaissance est la mise en communication de l’esprit et de ces individualités. La connaissance, dans une telle doctrine, porte bien sur le particulier. Mais vous dépassez cette conception métaphysique ou plutôt métaphorique, et je vous en félicite. Jamais des individus ne nous sont donnés du dehors. La distinction de l’objet et du sujet se fait postérieurement. Je crois que la connaissance participe du particulier et du général. 3° Vous faites la guerre à l’abstraction, mais vous avouez en plusieurs passages ne pas pouvoir vous en passer. Et, en effet, toute généralisation nécessite une simplification, une abstraction.

Vous avez posé l’esprit, et vous l’étudiez psychologiquement, abstraction faite de l’objet. Mais l’esprit n’est pas un absolu. La connaissance ne peut s’expliquer seulement par le sujet ; les conditions de cette connaissance sont aussi







bien déterminées par l’influencé de l’objet sur le sujet que du sujet sur l’objet. Il y a action des choses sur nous, et pour déterminer les conditions de la connaissance il faut considérer l’objet aussi bien que le sujet. Votre point de départ me parait donc inexact.

M. Rey. Vous m’objectez, en premier lieu, qu’il y a des faits connus antérieurement au mouvement. 11 faut s’entendre sur le sens du mot « connaissance ». On peut en effet prendre le mot en deux .acceptions bien différentes Entendre par là la connaissance vulgaire, spon tanée ; qu restreindre le sens dû mot à la. connaissance scientifique précise et déterminée. La physique, avant là Renaissance, n’est pas pour moi une connaissance scientifique. Assurément, si par connaissance" on entendait même les premiers balbutiements de la science. il. faudrait admettre que la connaissance a pour point de départ d’autres concepts que le concept de mouvement par exemple, la physique des Ioniens. Mais je considère.la connaissance seulement au second sens, et, pour moi, il n’y a pas— de physique avant les xvi" et xvn° siècles. Quand je cherche les, , conditions "de la connaissance, c’est donc seulement de la connaissance qui satisfait l’esprit. Pour votre seconde critique, j’accorde qu’on tend à universaliser le fait particulier.

M. Boutroux. Ce que je vous objecte, c’est que le premier fait n’est pas donné. M. Rey. Le fait particulier est déjà, construit ; c’est le produit d’une élaboration de l’esprit et de l’objet. Je. crois en effet, que tout fait est lé résultat d’une élaboration. Et par là je suis amené-à m’expliquer sur l’abstraction. 11 y a deux façons de concevoir I’al3stx.actipn ou bien en fonction de la généralisation, comme supprimant des détails et ne laissant que des traces vagues, ou bien. comme résultat d’une, analyse du donné. J’admets, parfaitement ce second sens. J’élimine le premier. 11 n’y a pas pour moi d’abstraction précise dans le pur qualitatif. ̃’̃’•̃̃.

M. Boutroux. Mais le point de vue de la qualité n’est pas seulement le bergsonisme. M. Rey. J’admets, l’abstraction, dès qu’elle estle résultat d’une analyse exacte, et je m’attache à montrer, en ce sens, que le mécanisme recompose, reconstruit avec des éléments abstraits.

81. BouLroux. J’en viens à, la seconde partie de votre thèse ; pour vous, le mécanisme est "essentiellement ; expérimental, inductif, progressif ; t’énergétisme, au contraire, essentiellement formel, déductif. Mais, pour pouvoir faire1 cette opposition, ne considérez-vous pas arbitrairement certaines formes seulement du

mécanisme et de l’ènergétismè ? Le mécanisme n’est pas essentiellement expérimental, bien au" contraire voyez Descartes. L’énergétisme n’est pas forcément ce que vous dites voyez lé livre de M. LucienvPoincaré sur l’électricité. Je crains que vous n’ayez appelé mécanisme et énergétisme la doctrine de tel mécaniste ou de tel éhèrgètisle, etque ce que vous appelez dogmatisme etesprit critique n’appartienne bien plutôt aux— esprits des