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Sokrates und die Ethik (Hermann Nohl), Mutter Erde (Albrecht Dieterich), The Interpretation of Nature (Lloyd Morgan).

Octobre 1906. — Ethical aspects of Economics. I. M. W. R. Sorley montre, surtout par des citations des « Principles of economics » de Marshall, les limitations que l’économie moderne apporte à la thèse de l’ « homo economicus ». Des mobiles psychologiques et sociaux modifient en s’y insérant le jeu des lois de l’économie abstraite, réduites ainsi à de simples tendances. Et c’est la première relation de l’Économie à l’Éthique. Il y en a une deuxième, c’est la question des rapports de la valeur d’échange (value) exprimable en monnaie et de la valeur en général (worth) : quelle est la valeur des biens économiques dans la vie humaine ?

M. Frederic Harrison s’élève avec violence (Positivists and Dr Coit) contre le « tissu de fausses accusations » qu’à ses yeux M. Coit porta dans le numéro précédent contre les positivistes anglais. Associé depuis trente-six ans au mouvement positiviste, président du Comité positiviste anglais depuis vingt-cinq ans, il n’y a jamais entendu assimiler l’Humanité et Dieu. Le culte de l’Humanité n’y fut jamais qu’une sorte de « patriotisme élargi et purifié », « ce que l’image de Rome fut pour le poète Virgile ». Cette malheureuse comparaison ne va-t-elle pas confirmer le Dr Coit dans son audace ? — Jamais non plus, selon M. F. Harrisson, les positivistes n’ont fait de l’agnosticisme la base de leur doctrine ; ils n’ont « pas de théorie de la relation de la Pensée à un Être indépendant de la Pensée ». Mais le Dr Coit avait-il voulu signaler autre chose qu’une tendance ?

L’Internationalisme fait l’objet de deux articles. Dans l’un (War and social Economy) Miss Ida W. Howerth montre une fois de plus ce que la guerre fait perdre au progrès social, combien de forces utiles elle engloutit. Dans The Ethics of Internationalism, M. John A. Hobson fait voir comme notre vie est déjà internationalisée. Les barrières nationales, encore très fortes, sont surtout consolidées par la croyance que la morale doit être autre pour les nations et pour les individus et par ce fait que des rivalités de groupes (financiers, industriels) masquent l’intérêt foncier que trouveraient les peuples à l’organisation de la solidarité internationale.

Le point de vue de M. Frank T. Carlton, sur une question voisine, nous paraît plus neuf et plus suggestif. Étudiant l’humanitarisme dans le passé et dans le présent, il essaie d’en déterminer les conditions d’apparition. Rapprochant plusieurs crises d’humanitarisme, il voit naître celui-ci quand, dans une société complexe, les basses classes sont en lutte pour de meilleures conditions d’existence et que les intérêts jadis dominants sont rejetés et écartés par de jeunes rivaux. On dirait alors que « les classes dirigeantes sont transportées par un esprit de sacrifice volontaire, adultéré par un élément considérable de peur ». Les promoteurs du mouvement humanitaire appartiennent invariablement à la classe ancienne qui est en train de perdre la suprématie sociale. Les humanitaires américains de 1825 étaient pour la plupart des fermiers et des commerçants que la grande industrie naissante réduisait à l’impuissance économique et que choquaient la bousculade des affaires et le dur traitement des ouvriers urbains. De même, pour la crise de 1840, qui se compliqua de philosophie. « Le transcendantalisme fut la création d’une classe d’humanitaires » appartenant à une vieille classe dirigeante en train de s’évanouir « dans la flamme de ce feu d’artifice intellectuel » et qui voulurent réagir contre « la stérilité de pensée due à la préoccupation des affaires et au poids mort de la théologie populaire ». À rapprocher des explications si souvent donnés par M. G. Sorel et les syndicalistes français, dont d’ailleurs M. F. Carlton s’éloigne par sa conclusion : car il ne songe pas à nier la valeur morale de l’humanitarisme et son utilité pour la lutte contre le chômage, la misère et le crime. La « trustification » de l’industrie jette au fossé une nouvelle lignée d’industriels et fournit ainsi la matière brute d’un humanitarisme nouveau. Ouvriers et humanitaires peuvent s’entendre sur un programme commun. Leurs premiers efforts furent noyés dans le sang de la guerre des esclaves ; leurs nouveaux efforts le seront-ils dans celui que l’Impérialisme fera couler ? Tel est le danger contre lequel M. Fr. Carlton leur conseille de s’unir.

M. David Saville Muzzey (Medieval Morals) essaye de décrire le milieu moral du Moyen Âge tel qu’il apparaît à travers ses principales institutions : politiques, économiques, intellectuelles.

Selon M. Michael Macmillan, Bacon serait le vrai père de la philosophie morale anglaise. Le premier, il posa les principes essentiels de l’utilitarisme ; il manifesta la foi si décevante au progrès humain par le progrès des inventions matérielles, il vit que le grand objet de la pratique morale est l’étude et le contrôle des passions, pour lesquels il donna déjà d’inté-