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commun un fond d’éléments essentiels, qui sont : la maîtrise de soi (domination de l’esprit sur l’animalité), la justice et ses deux corollaires, réciprocité et sanction, la pureté, qui est une maîtrise de soi plus haute, la délivrance, affranchissement des misères physiques et morales.

En conclusion : morale et religion, bien que choses distinctes, sont unies par des liens très étroits. La morale, qui définit les règles sociales de conduite, reçoit un concours précieux du sentiment religieux, qui développe l’esprit de sacrifice, consacre les devoirs, fortifie la vertu par les sanctions de la vie future. La morale atteint sa plus haute perfection sous la forme religieuse chrétienne. — Un livre qui en si peu de pages embrasse synthétiquement un si vaste sujet, ne peut être que de vulgarisation, et c’est ainsi qu’il est juste de le considérer. Il attire l’attention sur un phénomène considérable, qui pour beaucoup d’esprits en France demeure inaperçu, et il offre le réel intérêt des synthèses vulgarisatrices construites par des esprits probes et informés. On trouvera peut-être qu’une exposition de faits dans un tel raccourci eût gagné à être plus rigoureusement impersonnelle et entièrement dégagée de la préoccupation apologétique, qui n’est pas sans apporter quelque trouble dans le plan même de l’ouvrage.

Saint Bonaventure, par G. Palhoriès, 1 vol. in-16 de 378 p., Paris, Bloud, 1913. — L’introduction, consacrée à la biographie de saint Bonaventure, est immédiatement suivie d’une étude sur sa conception de l’homme. L’auteur expose la très difficile question de la connaissance humaine en s’appuyant sur les Commentaires des sentences, l’Itinerarium et la Quæstio disputata de humanæ cognitionis ratione dont l’authenticité lui paraît indiscutable. Trois thèses dominent selon lui toutes les interprétations qu’on peut apporter de cette doctrine : 1° la connaissance des êtres contingents en général est due à l’activité de l’esprit opérant sur les données des sens ; 2° à côté et au-dessus de la connaissance des êtres contingents, il y a en l’homme une connaissance des vérités nécessaires et des lois éternelles, et ce second ordre de connaissance n’est en aucune manière le produit de l’activité intellectuelle ; 3° cette connaissance supérieure n’est que la manifestation en nous de la vérité éternelle qui est Dieu. Comment concilier ce point de départ aristotélicien avec ce point d’arrivée augustinien ? Si l’on ne veut systématiser le










philosophe ni dans un sens ni dans l’autre, il faut se souvenir que la vérité éternelle ne se communique à nous, ici bas, qu’imparfaitement. C’est une connaissance générale, presque une forme au sens où l’entendra Rosmini ; en tout cas c’est une connaissance vide de tout contenu, au moins par rapport aux objets d’expérience. L’intellect agent et les espèces des choses transforment cette connaissance générale et vague en une connaissance précise et déterminée. Entre l’illumination divine et l’expérience sensible nulle priorité ne peut être d’ailleurs établie. La portio superior rationis et la porlio inferio ?’sont distinctes, mais groupées dans l’unité d’un sujet connaissant. Après ce difficile passage, la doctrine de la volonté humaine s’établit d’ellemême (chap. i). En ce qui concerne Dieu et les preuves de son existence, saint Bonaventure est résolument innéiste. Nous ne verrons pas Dieu dans la nature si nous ne le découvrons d’abord en nous. L’auteur ne pense pas que la conciliation de ces deux voies pose un problème différent de celui que pose la connaissance humaine en général (chap. n). L’importante doctrine de la nature est ici la doctrine commune à toute l’école franciscaine du xme siècle actualité infinie, mais positive de la matière, indépendamment de toute information substantielle présence dans la matière des raisons séminales ; composition hylémorphique des substances spirituelles ; pluralité des formes dans tous les êtres de la nature ; individualité de l’àme, indépendamment de son union avec le corps (chap. m). Les chapitres suivants sont consacrés à la théologie de saint Bonaventure. L’auteur réunit d’abord les éléments d’un traité De verbo incarnato (chap. iv), puis examine les doctrines de l’Esprit Saint, de la grâce qui en dérive et des sacrements qui la distribuent (chap. v), ainsi que la vie chrétienne dont la prière, la pénitence et l’eucharistie sont les aliments (chap. vi). Un résumé de la mystique de saint Bonaventure (la portée de la connaissance mystique, sa préparation, ses degrés), de sa théologie de la Vierge et des Anges (chap. vii-ix), achèvent cet exposé doctrinal. L’ouvrage se complète par une traduction abrégée de Yltinerarium mentis ad Deurn, un recueil de textes en appendice, et une bibliographie. La Doctrine de la Liberté chez Descartes et la Théologie, par E. Gilson, docteur ès lettres, agrégé de philosophie, 1 vol. in-8 de 452 p., Paris, Alcan, 1913. Le livre de M. Gilson marque un progrès notable dans l’étude de la métaphysique cartésienne. M. Gilson a choisi, dans l’ensemble du système, la