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critères, c’est-à-dire des signes infaillibles de la certitude objective. La première des deux parties dont il est composé discute la valeur logique de la certitude. Après une description psychologique de cet état d’âme qu’on nomme certitude (chap. i), l’auteur pose le problème critique et détermine les conditions de sa solution. Comment se fait-il que la certitude intérieure ne corresponde pas toujours à la vérité ? Cette recherche doit être poursuivie sincèrement, c’est-à-dire sans présupposer que la certitude humaine soit naturellement justifiée par l’aptitude de l’âme à connaitre les objets. La vraie méthode à suivre est ici le doute universel négatif, c’est-à-dire un doute qui ne suppose pas une malformation naturelle de notre raison, mais qui soit suffisant pour nous déterminer à soumettre nos certitudes à la critique (chap. ii). Les diverses solutions apportées au problème critériologique de l’objectivité du jugement par les philosophes sont examinées de ce point de vue. La certitude est un jugement certain, et tout jugement certain suppose deux idées objectives dont on affirme ou nie l’identité sans crainte, d’erreur. D’où ce double problème : 1° Comment se forme la synthèse entre les idées ? 2° Quelle est la valeur des idées entre lesquelles on effectue cette synthèse ? La solution apportée par les sceptiques, par Descartes et par le psychologisme (associationisme et empirisme) ne saurait être tenue pour satisfaisante (chap. iii, art. 1-3). Les évolutionnistes ou relativistes comme M. Lévy-Brühl ne peuvent montrer que le principe de contradiction est inconnu des primitifs. Tout esprit qui voit et comprend le sujet, doit voir également l’attribut que le sujet exige. Il en est de même dans les jugements d’ordre réel. « Ce qui est vrai une fois pour telles circonstances, l’est toujours pour telles circonstances. S’il est utile au salut des âmes que l’Église puisse brûler les hérétiques, l’Église peut brûler les hérétiques. Cette proposition est toujours vraie, mais elle est hypothétique. » Il convient également de rejeter la solution de Kant, selon laquelle la synthèse ne s’effectuerait pas sous l’influence de l’objet, mais par le moyen de formes a priori appartenant au sujet (art. 4). Cette thèse écartée, la solution scolastique du problème ne rencontre plus de difficulté. En ce qui concerne la liaison des termes, c’est-à-dire la synthèse établie par le jugement, il est certain qu’elle se forme sous l’influence objective des idées présentes à la pensée. Le témoignage de la conscience qui se reconnait contrainte par la nécessité du lien logique est décisif sur ce point. Si nous nous posons le deuxième problème, nous constaterons que l’objectivité des idées en présence ne laisse place à aucun doute. Les termes concrets exhibent des données sensibles ; les termes abstraits exhibent une réalité matériellement contenue dans les données des sens ; et nous n’unissons ces derniers pour définir l’essence d’un sujet qu’en raison de l’unité réelle des notes essentielles que nous appréhendons clairement dans l’objet offert à nos sens. De tout cela, l’introspection, qui seule est décisive en ces matières, témoigne abondamment. Nous pouvons donc conclure que dans tous nos jugements c’est l’objet même, c’est-à-dire le lien réel entre le sujet et le prédicat qui détermine notre assentiment (art. 5). Ce point essentiel une fois établi, les conclusions suivantes en découlent d’elles-mêmes : 1° le critérium de la vérité est l’évidence de l’objet, et nul autre critérium n’est possible (révélationisme, pragmatisme, fidéisme) ; 2° la certitude objective suppose donc la conformité du jugement avec les choses, et c’est cela même qui constitue la vérité (chap. iv-v). Telles sont les conséquences rigoureuses de cette constatation de fait : que les certitudes spontanées se forment en nous sous une influence extra-subjective, c’est-à-dire sous l’action de l’objet qui s’offre à notre considération.

La deuxième partie de l’ouvrage passe en revue nos différentes classes de certitudes : l’expérience interne dont les certitudes sont nécessairement vraies (chap. i) ; l’expérience externe dont les représentations sont objectives et dont certaines mêmes sont absolues (chap. ii) ; les connaissances de l’âme, telles que les idées générales ou universelles et les jugements, dont la valeur objective se prouve : pour les premières parce qu’elles ne sont pas de purs noms, mai existent dans l’intellect cum fundamento in re ; pour les secondes par la déduction logique ou l’induction scientifique (chap. iii) ; enfin les certitudes qui reposent sur les témoignages historiques et peuvent avoir une valeur objective lorsque les conditions requises sont remplies (chap. iv).

Ainsi « une critériologie solide est possible. Et la meilleure preuve — la seule décisive en l’espèce — c’est que nous venons d’en construire une qui est telle. » Elle aboutit à un intellectualisme modéré. Intellectualisme, parce que l’intelligence a une valeur d’information, en ce qu’elle nous apparaît comme seule compétente en matière d’être. Mais intellectualisme modéré, parce qu’elle est tributaire de