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– 23 – M. Halbœachs. ̃ – Je tiens à marquer que, malgré son rôle, elle ne doit pas empêcher qu’on s’attache aux statistiques. M. Lévy-Bruhl. Très bien. Vos statistiques sont malheureusement on vous l’a dit un peu étroites. Ne généralisez pas trop. M. Halbu-achs. – J’estime qu’il n’y aurait aucun excès de modestie à m’en tenir aux ouvriers allemands pour les résultats, et j’attends qu’on me montre les différences avec d’autres nations. Sans déplacer le fardeau de la preuve, je crois avoir le droit d’étendre ma thèse, tant qu’on ne m’aura point montré que les ouvriers allemands ont quelque chose de très spécifique. M. Lpvy-Brilhl. C’est un peu présomptueux. M. Ilalbwachs. En Angleterre, il y a une proportion plus haute d’ouvriers à hauts salaires, mais aussi, il y a des différences entre les régions de l’Allemagne. M. Léuy-Brilht. Je considère comme avantageux de séparer les statistiques de votre conception générale, très intéressante, mais trop purement dialectique car vous êtes très dialecticien. Vous dites tandis que tous les hommes sont occupés avec des hommes, les ouvriers sont occupés avec de la matière. D’où votre conception de la classe ouvrière. C’est séduisant. Mais, dialectiquement, on peut dire aussi que la matière de l’ouvrier est socialisée, car elle lui présente non la nature, mais la matière triturée par l’homme, Je crois que ce qui est pénible, dans la vie de l’ouvrier, c’est justement de se trouver enfermé dans des produits sociaux. Au lieu de dire « désocialisé je dirais « hypersocialisé ». Activité mécanisée, oui, mais pas du social. M. Ilalbwachs. Vous m’objectez que ^ouvrier travaille sur des produits qui ont subi la marque humaine. Cela est-il ^rai des mines’; M. Lévy-Bruhl. Oui les galeries, etc. M. Ilalbwachs. L’attention de l’ouvrier ne se porte pas sur le travail des hommes, mais plutôt sur la mécanique de sa tâche. M. Lévy-Bruhl. II n’est pas nécessaire qu’il se dise « Je me représente du social ». Il suffit qu’il soit plongé dans le social. Voyez la différence avec le marin qui lutte, lui, contre une force brute, non socialisée. Enfin, vous vous êtes bien défendu, et nous vous remercions. M. Halbwachs est reconnu digne du grade de docteur, avec la mention très honorable. Vous parlez (p. 23) des paysans allemands à la fin du xvin0 siècle, et vous citez Tocqueville. Mais vous savez qu’il se trompe tout le temps. Et pourtant, vous savez l’allemand, Vous citez Xénophon sans comprendre (p. 119 n. 1). Votre auteur parle des ouvriers dont le corps est déformé parce qu’ils séjournent près du feu. Vous ne connaissez guère la campagne qu’est-ce (p. 113) que ces agriculteurs qui sont dans la grange lorsqu’ils sont sur Caire 1 Nous ne sommes pas d’accord sur l’emploi du vocabulaire. Vous dites besoin nourriture, besoin logement. Est-ce de l’allemand? Je vous demanderai aussi compte du mot conscience. J’avais toujours cru, avec tout le monde, que la conscience est un fait individualiste. Or, vous parler d’ •• états de conscience ticlil’s ». Comment ça? M. llalbwac/is. Qu’on croit exister. M. Lévy-Bruhl. Chez un autre. M. tieignobos. ̃ Ali oui, je comprends. Mais où est la « conscience sociale »? Vous dites que les membres du groupe la voient venir. Qu’est-ce qu’ils voient venir? M. Ilalbwachs. Ils voient venir les dispositions du groupe. M. Seignobos. La conscience qu’ils ont de leur tout devient alors bien confuse. C’est joliment difficile à comprendre. l’lus loin « la pensée sociale souligne le rythme de la vie agricole », je ne comprends pas du tout. M. Ilalbwachs. – Mais si, par des fêtes. M. Seignobos. – C’est clair pour vous? Curieux. Vous dites aussi que la conscience sociale impose des usages extérieurs. C’est ce qu’on appelle vulgairement la mode ». Qu’est-ce (p. 61) que la ̃> conscience illusoire » M. Ilalbwachs. – Cela veut dire qu’elle n’existe pas. Si, dans la classe ouvrière, il y a plusieurs groupes très distincts, on a tort de parler en bloc de classe ouvrière. M. Seii/nobos. II y a, entre nous, des divergences de vocabulaire, mais votre effort est très méritoire, plein de conscience (pas de classe »). M. Lécy-Briihl. Votre livre présente des paradoxes, non pas ingénus, mais insufrisamment soulignés. Avant votre étude, chacun de nous avait des idées sur la vie des ouvriers; vous nous avez montré que ces idées étaient hâtives et partiellement fausses. Vos notions ne sont pas arbitraires. Il reste à examiner vos raisons votre conception de l’ouvrier en tant qu’isolé est-elle le pivot de votre thèse?